Le mois de Marie
ou méditations sur sa vie, ses gloires et sa protection
Source : Livre "Le mois de Marie ou méditations pour chaque jour du mois sur sa vie, ses gloires et sa protection" par Aleksander Jełowicki
POUR LE 12ème JOUR DU MOIS.
Deuxième douleur de la très-sainte Vierge.
la fuite en Égypte et le massacre des innocents.
la fuite en Égypte et le massacre des innocents.
ÉVANGILE DE SAINT MATTHIEU, II, 1-18.
«
Jésus étant donc né dans Béthléhem de Juda, au temps du roi Hérode, des
Mages vinrent de l'Orient à Jérusalem, et ils demandèrent : Où est le
roi des Juifs qui est nouvellement né ; car nous avons vu son étoile en
Orient, et nous sommes venus l'adorer. Ce que le roi Hérode ayant
appris, il en fut troublé et toute la ville de Jérusalem avec lui. Et
ayant assemblé tous les princes des prêtres et les scribes docteurs du
peuple, il s'enquit d'eux où devait naître le Christ. Ils lui dirent
dans Béthléhem de Juda, selon ce qui a été écrit parle prophète : Et
toi, Bethléhem, terre de Juda, tu n'es pas la dernière d'entre les
principales villes de Juda ; car c'est de toi que sortira le chef qui
conduira mon peuple d'Israël. Alors Hérode, ayant fait venir les Mages
en particulier, s'enquit d'eux avec grand soin du temps auquel l'étoile
leur était apparue : et les envoyant à Bethléhem il leur dit : Allez,
informez-vous exactement de cet enfant ; et lorsque vous l'aurez trouvé,
faites le moi savoir, afin que j'aille aussi moi-même l'adorer. Ayant
entendu ces paroles du roi, ils partirent. Et en même temps l'étoile
qu'ils avaient vue en Orient allait devant eux, jusqu'à ce qu'étant
arrivée sur le lieu où était l'enfant, elle, s'y arrêta. Lorsqu'ils
virent l'étoile, ils furent transportés d'une extrême joie ; et entrant
dans la maison, ils trouvèrent l'enfant avec Marie sa mère, et se
prosternant, ils l'adorèrent ; puis ouvrant leurs trésors, ils lui
offrirent pour présents de l'or, de l'encens et de la myrrhe. Et ayant
reçu, pendant qu'ils dormaient, un avertissement de n'aller point
retrouver Hérode, ils s'en retournèrent en leur pays par un autre
chemin. Après qu'il furent partis, un ange du Seigneur apparut à Joseph,
pendant qu'il dormait, et lui dit : Levez-vous, prenez l'enfant et sa
mère, fuyez en Egypte et demeurez-y jusqu'à ce que je vous dise d'en
sortir ; car Hérode cherchera l'enfant pour le faire mourir. Joseph
s'étant levé, prit l'enfant et sa mère durant la nuit et se retira en
Egypte, où il demeura jusqu'à la mort d'Hérode, afin que cette parole
que le Seigneur avait dite par le prophète fût accomplie : J'ai rappelé
mon fils de l'Égypte. Alors Hérode, voyant que les Mages s'étaient
moqués de lui, entra dans une grande colère, et il envoya tuer dans
Bethléhem et dans tout le pays d'alentour tous les enfants âgés de deux
ans et au-dessous, selon le temps dont il s'était enquis exactement des
Mages. On vit alors s'accomplir ce qui avait été dit par le prophète
Jérémie : Un grand bruit a été entendu dans Rama ; des plaintes et des
cris lamentables ; Rachel pleurant ses enfants, et ne voulant point
recevoir des consolations, parce qu'ils ne sont plus('). »
«
Et Siméon les bénit, et dit à Marie, sa mère : Cet enfant est pour la
ruine et pour la résurrection de plusieurs dans Israël, et pour être en
butte à la contradiction des hommes ('). » — Marie n'eut pas longtemps à
attendre l'accomplissement de cette prophétie. Car Hérode, après avoir
appris par les Mages la naissance du roi des Juifs, les ayant vainement
attendus au retour, entra dans une grande colère, et craignant pour sa
royauté, forma le projet de tuer Jésus.
«
Ce que le roi Hérode ayant appris, il en fut troublé (2). » Le tyran
Hérode, jaloux de sa domination, en fut troublé ; oui, car le désir de
la domination est le désir le plus fatal, il remplit de terreur et
pousse à la cruauté. Il s'est troublé... il s'inquiéta... et de quoi ?
de sa royauté temporaire !.. Que ne s'inquiétait-il plutôt du royaume
éternel ? — « Que craignez-vous, Hérode ! s'écrie Fulgence ; le roi qui
vient de naître n'est pas venu pour combattre les rois et les soumettre
parla force des armes ; non, il est venu pour les conquérir
miraculeusement, au prix de sa propre mort (3). »
«
Hérode en fut troublé et toute la ville de Jérusalem avec lui ('). » 0
Jérusalem ! vous vous troublez à la venue de votre roi, qui vous apporte
la liberté des enfants de Dieu ? Peuple de Jérusalem ! ne vous alarmez
pas ! le Christ ne vient pas pour s'emparer des propriétés que la
Providence divine vous a données, mais il vous apporte en propriété ce
que la miséricorde divine vous a préparé. Ne vous troublez pas ! le
Christ n'est pas venu pour dominer sur nous par la violence, mais par
l'amour : il n'est pas venu pour nous tuer, mais pour nous donner la
vie. 0 Jérusalem ! vous vous alarmez peut-être à cause de la crainte
d'Hérode, de peur que sa cruauté n'égale sa frayeur ? Ne le craignez pas
; mais au contraire, ayez bon courage ! car voici votre Sauveur qui est
venu pour vous délivrer de toute crainte humaine ; et pour remplacer,
comme il l'a dit lui-même, cette crainte pernicieuse des hommes par la
crainte salutaire de Dieu : « Ne craignez point, nous dit-il, ceux qui
tuent le corps, et qui ne peuvent tuer l'âme ; mais craignez plutôt
celui qui peut perdre et l'âme et le corps dans l'enfer (2). »
Oh! quelle est donc la douleur de Marie en voyant que nous aussi nous nous troublons à l'arrivée du Christ ; et que notre terreur, comme celle d'Hérode, est un signal de guerre, et de guerre impie, traîtresse et cruelle. Hérode ne s'est point contenté de persécuter Jésus dans sa propre personne, mais encore dans celle de tous les enfants de son âge. Et nous, nous faisons de même, en nous obstinant dans le mal ; nous voulons détruire tout ce qui nous fait voir le Christ, tout ce qui peut nous faire espérer d'atteindre le Christ : notre haine, venant de cette terreur, elle s'acharne principalement sur ceux qui ressemblent le plus au Christ. Marie le voit et souffre d'une douleur inexprimable, qui ne lui laisse aucun instant de repos, ni le jour ni la nuit.
Oh! quelle est donc la douleur de Marie en voyant que nous aussi nous nous troublons à l'arrivée du Christ ; et que notre terreur, comme celle d'Hérode, est un signal de guerre, et de guerre impie, traîtresse et cruelle. Hérode ne s'est point contenté de persécuter Jésus dans sa propre personne, mais encore dans celle de tous les enfants de son âge. Et nous, nous faisons de même, en nous obstinant dans le mal ; nous voulons détruire tout ce qui nous fait voir le Christ, tout ce qui peut nous faire espérer d'atteindre le Christ : notre haine, venant de cette terreur, elle s'acharne principalement sur ceux qui ressemblent le plus au Christ. Marie le voit et souffre d'une douleur inexprimable, qui ne lui laisse aucun instant de repos, ni le jour ni la nuit.
«
Un ange du Seigneur apparut à Joseph pendant qu'il dormait, et lui dit :
Levez-vous, prenez l'enfant et sa mère, fuyez en Égypte et demeurez-y
jusqu'à ce que je vous dise. Car Hérode cherchera l'enfant pour le faire
mourir ('). » Hérode cherchera l'enfant pour le faire mourir ! 0
douleur de Marie ! Jésus nous cherche pour nous sauver ; et nous, nous
cherchons Jésus pour le perdre. Jésus veut vivre dans nos cœurs pour la
vie éternelle ; et nous, nous voulons le faire mourir dans nos cœurs et
dans le cœur de nos frères, par le péché et le scandale, pour notre mort
éternelle.
0 Marie ! Hérode persécutait votre enfant, son Sauveur. Mais vous sentiez alors que nous persécuterions aussi notre Sauveur, pour le perdre, pour nous défaire de lui et de son joug. 0 Marie ! nous avons honte de cette folie. Ne nous fuyez plus avec votre enfant ; mais, au contraire, réfugiez-vous vers nous. Nous ne voulons plus le faire mourir ; nous voulons le défendre et le conserver.
0 Marie ! Hérode persécutait votre enfant, son Sauveur. Mais vous sentiez alors que nous persécuterions aussi notre Sauveur, pour le perdre, pour nous défaire de lui et de son joug. 0 Marie ! nous avons honte de cette folie. Ne nous fuyez plus avec votre enfant ; mais, au contraire, réfugiez-vous vers nous. Nous ne voulons plus le faire mourir ; nous voulons le défendre et le conserver.
II.
« Joseph, s'étant levé, prit l'enfant et la mère durant la nuit, et se retira en Egypte ('). » Voilà donc à quoi se réduisent les joies de cette mère ! des douleurs, et rien que des douleurs ! Après la sinistre prophétie de Siméon, Marie cherchait quelque soulagement au moins dans ses caresses maternelles, dans sa sollicitude pour épargner, autant que possible, des privations à son enfant. Hélas ! cette consolation même devait lui manquer aussi. Elle enfanta Jésus dans une étable ; elle va_ l'allaiter en exil, au milieu des déserts et des privations de toute nature.
« Joseph, s'étant levé, prit l'enfant et la mère durant la nuit, et se retira en Egypte ('). » Voilà donc à quoi se réduisent les joies de cette mère ! des douleurs, et rien que des douleurs ! Après la sinistre prophétie de Siméon, Marie cherchait quelque soulagement au moins dans ses caresses maternelles, dans sa sollicitude pour épargner, autant que possible, des privations à son enfant. Hélas ! cette consolation même devait lui manquer aussi. Elle enfanta Jésus dans une étable ; elle va_ l'allaiter en exil, au milieu des déserts et des privations de toute nature.
0
Marie ! au milieu des ennuis, des difficultés et des privations de
votre fuite en Égypte, l'étable même de Bethléhem ne vous faisait-elle
pas l'effet d'un palais. Vous y trouviez au moins de la paille pour
faire le lit de votre enfant ; des animaux domestiques y réchauffaient
l'air glacé de la saison ; de pauvres bergers y apportaient leur
offrande à votre enfant délaissé ; des Mages et des rois venaient lui
présenter les hommages de leur respect et de leur soumission ; et ces
témoignages de vénération, présages et avant-coureurs certains de la
conversion des Gentils, consolaient votre misère. Mais dans votre fuite,
loin de votre patrie, privée de tout abri, sur un sol étranger, qui
pourrait comprendre ce que souffre votre cœur !
"Le
Sauveur du monde, obligé de vivre en proscrit ! s'écrie le bienheureux
Albert le Grand. Oh ! quelle douleur pour le cœur de Marie, lorsqu'elle
entendit au milieu de la nuit, ces paroles : Fuyez ! fuyez ! quittez
votre patrie pour errer dans l'étranger ; abandonnez votre temple pour
aller au milieu des temples élevés aux démons. Peut-il y avoir un
chagrin plus grand que celui de cette jeune et pauvre vierge, forcée de
fuir à travers des déserts âpres, inconnus et sauvages, avec son enfant
nouveau-né, qu'elle porte sur ses épaules délicates de mère épuisée (').
«
Joseph et Marie n'avaient ni valet, ni servante, dit saint Pierre
Chrysologue, ils se servaient eux-mêmes (2). » — « Pauvres qu'ils
étaient, ils ne vivaient que du travail de leurs mains (3), » dit saint
Basile. Mais dans l'exil cette ressource même est ingrate ; on hésite à
procurer du travail à des étrangers ; le travail pourtant, c'est le
pain. « 0 ! combien de fois Jésus demandait du pain à sa mère, et Marie
n'en avait point pour lui en donner ('). »
Ainsi
s'écoulèrent les premières années de la vie du Sauveur du monde.
Errant, exilé, à dater de son enfance, il veut nous faire entendre
ainsi, que notre vie n'est qu'un exil, que nous devons supporter
volontairement la pauvreté, les labeurs, les souffrances et les
humiliations par amour pour lui, comme il les a lui-même supportés
volontairement avec sa mère, par amour pour nous ; que nous devons les
supporter sans plainte, comme il les ont supportés sans plainte. « Nous
n'avons point ici-bas de cité permanente, dit l'Apôtre, mais nous
cherchons celle où nous devons habiter un jour (2). » — « Vous n'êtes
que voyageur, dit saint Augustin, vous jetez les yeux autour de vous, et
vous passez (3). » — Mais la douleur de l'exil est un fait à nous, car
c'est le fait du péché. C'est pour nos péchés que Jésus et Marie
endurèrent l'exil.
C'est à cause de nous, ô Marie ! que vous supportiez, vous et votre fils, les douleurs de l'exil. Pardonnez-nous-les ces douleurs ; et par ces douleurs et cet exil, rendez-nous plus doux notre exil et nos douleurs à nous. Enfin, le temps de notre exil passé, consolez-nous par votre présence et celle de votre fils.
C'est à cause de nous, ô Marie ! que vous supportiez, vous et votre fils, les douleurs de l'exil. Pardonnez-nous-les ces douleurs ; et par ces douleurs et cet exil, rendez-nous plus doux notre exil et nos douleurs à nous. Enfin, le temps de notre exil passé, consolez-nous par votre présence et celle de votre fils.
III.
« Alors Hérode, voyant que les Mages s'étaient moqués de lui, entra dans une grande colère ; et il envoya tuer dans Bethléhem et dans tout le pays d'alentour tous les enfants âgés de deux ans et au-dessous, selon le temps dont il s'était enquis exactement des Mages. On vit alors s'accomplir ce qui avait été dit par le prophète Jérémie : Un grand bruit a été entendu dans Rama ; des plaintes et des cris lamentables ; Rachel pleurant ses enfants et ne voulant point recevoir de consolations, parce qu'ils ne sont plus ('). » — Cette Rachel pleurant ses enfants, cette mère inconsolable, c'est Marie. Lors du massacre des innocents chaque mère pleurait ses enfants : Marie pleurait la mort de tous ces enfants et la douleur de toutes leurs mères. Pauvres mères ! soyez consolées par les larmes de cette mère commune à vous et à vos enfants. — Mais vous, ô Marie ! qui saurait vous consoler ? Le cri des victimes, les lamentations des mères vous ont suivie dans les déserts de votre exil, en ajoutant de nouvelles douleurs aux vôtres. — Oh ! ces douleurs furent immenses, inconcevables, surpassant au delà de toute mesure les douleurs de toutes les mères assistant au massacre de leurs enfants, aux convulsions de leur agonie, lorsque les monstres les égorgeaient sur leur sein, et les arrachaient tout sanglants de leur cœur ; car, «jamais douleur personnelle, observe saint Jérôme, n'a fait souffrir personne au monde, comme souffrait Marie de la douleur des autres ('). » Oui, car tous les autres sont ses enfants, et leurs douleurs sont les siennes.
« Alors Hérode, voyant que les Mages s'étaient moqués de lui, entra dans une grande colère ; et il envoya tuer dans Bethléhem et dans tout le pays d'alentour tous les enfants âgés de deux ans et au-dessous, selon le temps dont il s'était enquis exactement des Mages. On vit alors s'accomplir ce qui avait été dit par le prophète Jérémie : Un grand bruit a été entendu dans Rama ; des plaintes et des cris lamentables ; Rachel pleurant ses enfants et ne voulant point recevoir de consolations, parce qu'ils ne sont plus ('). » — Cette Rachel pleurant ses enfants, cette mère inconsolable, c'est Marie. Lors du massacre des innocents chaque mère pleurait ses enfants : Marie pleurait la mort de tous ces enfants et la douleur de toutes leurs mères. Pauvres mères ! soyez consolées par les larmes de cette mère commune à vous et à vos enfants. — Mais vous, ô Marie ! qui saurait vous consoler ? Le cri des victimes, les lamentations des mères vous ont suivie dans les déserts de votre exil, en ajoutant de nouvelles douleurs aux vôtres. — Oh ! ces douleurs furent immenses, inconcevables, surpassant au delà de toute mesure les douleurs de toutes les mères assistant au massacre de leurs enfants, aux convulsions de leur agonie, lorsque les monstres les égorgeaient sur leur sein, et les arrachaient tout sanglants de leur cœur ; car, «jamais douleur personnelle, observe saint Jérôme, n'a fait souffrir personne au monde, comme souffrait Marie de la douleur des autres ('). » Oui, car tous les autres sont ses enfants, et leurs douleurs sont les siennes.
0 Marie ! mère de douleur ! pardonnez-nous le massacre de ces innocents, le massacre de vos enfants, dans lequel, en égorgeant l'innocence, c'est votre propre enfant, c'est l'enfant Jésus que nous égorgeons, cet enfant qu'Hérode ne pouvait atteindre, car vous le lui avez soustrait, mais que vous ne pouvez pas nous soustraire à nous. Dans la personne de ces innocents, nous égorgeons vraiment votre fils, notre Dieu ! Malheureux que nous sommes ! Pardonnez-nous ! pardonnez-nous ! En vérité, nous ne savions ce que nous faisions ! Maintenant que nous le savons, nous ne saurions le pleurer assez. Nous pleurons nos iniquités, nous pleurons votre douleur. Oh ! par cette douleur, donnez-nous à nous, donnez aux âmes scandalisées par nous, des larmes sincères de la pénitence, suivies du salut éternel.
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