Le mois de Marie
ou méditations sur sa vie, ses gloires et sa protection
Source : Livre "Le mois de Marie ou méditations pour chaque jour du mois sur sa vie, ses gloires et sa protection" par Aleksander Jełowicki
POUR LE 27e JOUR DU MOIS
POUR LA FÊTE DE NOTRE-DAME DU MONT CARMEL.
(10 juillet)
(10 juillet)
LÉGENDE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Le
cinquantième jour après Pâques, qui est le jour de la fête de la
Pentecôte, lorsque les Apôtres, inspirés par le Saint-Esprit,
commencèrent à parler diverses langues et à faire des miracles en
invoquant le nom de Jésus, plusieurs hommes, rapporte la tradition,
marchant sur les traces des saints Prophètes Elie et Elisée, préparés
d'ailleurs à la venue du Christ par la prédication de saint
Jean-Baptiste, ayant examiné les choses de près et s'étant convaincus de
la vérité, acceptèrent sans hésiter la foi de l'Évangile ; et comme ils
ont eu le bonheur d'approcher de la sainte Vierge et de converser avec
elle, ils lui vouèrent un sentiment de vénération tout particulier, et
furent les premiers à édifier en l'honneur de la très-chaste vierge, une
chapelle sur le mont Carmel, à l'endroit même où Élie avait vu s'élever
le nuage qui était le symbole de la Vierge. Ils se rassemblaient donc
plusieurs fois par jour dans cette chapelle pour y honorer par de
pieuses pratiques, par des hymnes et des prières, la bienheureuse
Vierge, protectrice de leur Ordre. Et voici pourquoi on les a nommés :
Frères de la bienheureuse Marie du mont Carmel. Les Papes ont non
seulement confirmé cette dénomination, mais ils ont accordé plusieurs
indulgences spéciales à tous ceux qui appelleraient de ce nom soit
l'Ordre lui-même, soit ses membres. Et la très-magnanime Vierge Marie a
non seulement revêtu cet Ordre de son nom et de sa protection, mais
encore elle lui a donné, par les mains du bienheureux Simon l'Anglais,
le saint Scapulaire, afin que cette robe céleste devint son signe
distinctif et sa défense contre tous les maux qui l'assaillaient. Et
postérieurement, comme cet Ordre n'était point connu en Europe, et qu'on
insistait beaucoup auprès d'Honorius III en demandant sa suppression,
la très miséricordieuse Marie lui apparut la nuit, et lui ordonna
formellement d'accepter favorablement l'Ordre même et les Frères qui le
composent. Or cet Ordre, très agréable à la sainte Vierge, fut non
seulement doté par elle de plusieurs priviléges dans ce monde, mais
aussi dans l'autre (car sa puissance et sa miséricorde s'étendent
partout) : de sorte que ceux d'entre les fidèles qui, appartenant à la
confrérie du saint Scapulaire, feraient une certaine abstinence de
viande, réciteraient quotidiennement les oraisons prescrites, et, selon
leur état, garderaient la vertu de chasteté ; durant leur pénitence dans
les flammes du purgatoire, seront (la piété nous ordonne de le croire)
consolés et soulagés par sa tendresse maternelle, et par son
intercession conduits au plus tôt dans la patrie céleste. C'est donc en
commémoration de ces immenses bienfaits que l'Ordre des Carmes a résolu
de célébrer annuellement cette nouvelle solennité (').
I.
«
Jésus dit à sa mère : Femme, voilà votre fils ; puis il dit au disciple
: Voilà votre mère ('). » Ces paroles, par lesquelles Jésus-Christ
mourant sur la croix faisait adieu à sa mère et saluait ses enfants ;
ces paroles qui disent l'immense amour de notre Sauveur, expliquent
aussi pourquoi Dieu avait donné à Marie une force si grande, qu'elle ait
pu rester debout au pied de la croix, sans mourir de douleur ; comme
aussi pourquoi notre Seigneur Jésus-Christ, en montant au ciel, n'a
point emmené Marie avec lui, mais qu'il la laissa sur la terre.
Jésus-Christ
avait promis à ses disciples qu'il ne les laisserait pas orphelins ;
aussi leur a-t-il donné pour mère sa propre mère ; et il l'a laissée sur
la terre aussi longtemps qu'il le fallait pour faire sécher leurs
larmes après son départ, pour bercer les premiers enfants de la sainte
Eglise, et pour allaiter du lait maternel la sainte Eglise elle-même,
enfantée par la passion du Fils et les douleurs de la Mère. «
Jésus-Christ a laissé Marie après lui, dit le savant et pieux Cornélius à
Lapide, pour être la mère des Apôtres et des fidèles, pour soutenir les
chancelants, pour consoler les affligés, fortifier les faibles,
rassurer et raffermir les irrésolus et les pusillanimes, guider,
instruire et vivifier toute la chrétienté. Aussi c'est Marie qui
rassembla les Apôtres dispersés au moment de l'arrestation de Jésus ;
c'est elle qui releva, par l'espoir du pardon, la confiance de Pierre
désolé d'avoir renié son maître ; c'est elle qui avait maintenu la foi
en la résurrection de Notre-Seigncur, quand ses disciples l'avaient
perdue, consternés qu'ils étaient par sa mort si ignominieuse ('). »
Et Marie était la consolation des affligés, elle-même inconsolable après la mort de Jésus !
Et
Marie était le guide des Apôtres : elle présidait à leurs prières dans
le Cénacle, et c'est assurément par ses prières qu'elle obtint plus
promptement la descente du Saint-Esprit : elle bénissait tous les
travaux des Apôtres, elle-même toute bénie.
Et
Marie était la force des Martyrs, elle qui a souffert le plus cruel des
martyres avec son fils, le Sauveur du monde. En la contemplant, les
Martyrs se réjouissaient de souffrir pour Jésus-Christ, et obtenaient
par son intercession la grâce nécessaire pour subir le martyre. «
Lorsque les princes des Juifs, nous dit Cornelius à Lapide, lorsque les
princes des Juifs emprisonnaient, meurtrissaient, faisaient mourir les
Apôtres, Marie souffrait de toutes ces persécutions comme si elles lui
fussent personnelles ; mais son âme sublime savait les vaincre, et elle
enseignait aux Apôtres, par son exemple et par ses paroles, la manière
de les vaincre ('). »
Jésus,
qui avait prévu et ordonné tout cela, avait dit à Marie en lui montrant
Jean : « Femme, voilà votre fils. » Par ces paroles, il lui disait : 0
ma mère ! soyez la femme forte, pour que vous deveniez après mon départ,
et à tout jamais, la base inébranlable et l'immuable appui de mon
Eglise ; pour que vous la souteniez par votre force, que vous la guidiez
par vos conseils, que vous la réchauffiez par votre amour, que vous
apaisiez ses orages par vos prières ; et que vous lui donniez le
développement, la puissance et la paix pendant tous les siècles à venir,
jusqu'à la fin du monde : « Femme, voilà votre fils ! » Votre fils,
c'est tout mon peuple, tout le genre humain ! Soyez la santé des
infirmes, le refuge des pécheurs, la consolatrice des affligés, le
secours des chrétiens. Soyez mère pour tous, dans tous les lieux, dans
tous les siècles et pour toutes choses : « Voilà votre fils !»
Et
ce que Jésus a dit s'est fait immédiatement ; car, comme nous l'avons
déjà fait observer, ce que Dieu dit, il l'opère en le disant.
0 Marie ! vous êtes notre mère, et nous sommes vos enfants ! Là est toute notre gloire et tout notre espoir.
II.
De
son vivant, Marie brillait déjà comme le soleil au milieu de ses
enfants, les éclairant, les réchauffant, les fortifiant et les
réjouissant. Aussi tous s'empressaient-ils près d'elle, pour se réjouir
de sa vue, se nourrir de sa parole et se ranimer de son amour. Aux pieds
de Marie tous se sentaient frères, et tous enfants de Dieu. Qui peut
comprendre le bonheur ineffable qu'on éprouvait à voir Marie, à entendre
Marie, à converser avec Marie ; ce bonheur, que nous désirons avec une
si vive ardeur, et dont l'espoir seul, qui en est le pressentiment,
rajeunit notre cœur en comblant notre âme d'une joie indicible. 0 Marie !
Marie ! nous languissons et nous soupirons après vous.
Saint
Denis l'Aréopagite, converti par saint Paul à Athènes, s'en alla à
Jérusalem pour voir Marie. Frappé de la dignité et du charme de cette
mère de Dieu, il s'écria dans son enthousiasme : Si la foi ne
m'apprenait le contraire, je penserais que Marie est la divinité même.
Tel était l'éclat de gloire dont l'amour et la grâce de Dieu avaient
revêtu Marie !
0
Marie ! avec quelle justesse saint Bernard vous adresse ces paroles : «
Vous avez revêtu le soleil, le soleil vous a revêtue ('). » Ah ! ce
soleil moral ne désire que de nous revêtir aussi. « Revêtez-vous de
notre Seigneur Jésus-Christ (2), » s'écrie l'Apôtre. Mais qui est-ce qui
nous revêtira de ces « armures de lumière (3)? » Personne, si ce n'est
vous, ô Marie ! Car, qui est-ce qui revêtirait les enfants, si ce n'est
leur mère ? Et ces armures victorieuses nous sont très nécessaires, car
le combat dure continuellement et sans relâche.
0
Marie ! nous avons grandement besoin de ces vêtements rayonnants,
devant l'éclat desquels nos ennemis, les habitants des noires ténèbres,
seront mis en fuite à l'instant même. O Marie ! revêtez-nous de ce
soleil dont vous êtes revêtue.
Marie,
a exaucé cette prière avant que nous la lui ayons adressée ; elle nous a
revêtus de ce soleil , invisible à l'œil humain, du soleil de la grâce
de Dieu ; et pour signe visible, elle nous apporte du ciel le saint
Scapulaire. Celui qui reçoit et qui garde ce vêtement avec le sentiment
d'une piété filiale, aura Marie pour mère pendant toute sa vie ; elle
sera sa consolation dans les souffrances, sa force dans les adversités,
sa lumière dans les ténèbres, son guide dans les chemins raboteux et
difficiles de cette vie, son appui et son soutien toujours, sa victoire
partout, et sa couronne au moment de la mort.
0
notre Mère ! « qui donc, après Jésus, votre fils, entourait le genre
humain d'autant de soins que vous (') ! » s'écrie saint Germain. Vous
gardez les fidèles, afin qu'ils ne faiblissent pas ; vous gardez les
pécheurs, afin qu'ils se convertissent ; vous gardez les saints, afin
qu'ils se sanctifient toujours davantage, et vous gardez tous les
enfants des hommes, afin qu'aucun n'en soit perdu pour vous. Et si nous
sommes fidèles à porter ce vêtement miraculeux du saint Scapulaire, vous
imprimez sur nos âmes-votre cachet, afin que Satan, y apercevant votre
nom, prenne la fuite à sa vue, comme le voleur s'enfuit devant la clarté
du jour.
III.
Pendant
tout le cours de notre vie, sans cesse le démon nous observe, et
cherche à nous entraîner dans le mal, afin de faire sa proie de nos âmes
: « Comme un lion rugissant cherchant qui il pourra dévorer (2). »
Mais, au moment de la mort, sa fureur et sa perfidie prennent une
extension terrible. C'est bien ici qu'il faut s'écrier avec le prophète :
« Malheur à la terre et à la mer, parce que le diable est descendu vers
vous, avec une grande colère, sachant qu'il ne lui reste que peu de
temps (3). » Le temps de l'agonie est le temps de la plus redoutable
lutte, car celui qui sera vainqueur au moment de la mort, restera
vainqueur pour l'éternité. Voici pourquoi, à ce moment décisif, Satan
nous entoure de ses légions, et, comme dit Isaïe : « Les maisons seront
remplies de dragons ('). » Tout l'enfer s'agite alors pour faire vomir
sa fureur sur nous : « L'enfer s'en va tout en trouble à ton arrivée
(2). » Et il combat alors par des tentations plus fortes que celles dont
il tente l'homme pendant le reste de sa vie ; car ce seront là des
tentations de géants : « Il a fait lever des géants à cause de toi (3). »
Pour
un pareil combat, pour une lutte si décisive, Marie, notre mère, nous
arme du saint Scapulaire muni de son saint nom, devant lequel, selon
l'expression de saint Bonaventure, « les démons disparaissent, comme la
cire se fond devant le feu (4). » 0 mon âme ! ne redoute pas la mort,
puisque tu as pour enseigne le nom de Marie. « La très-sainte Vierge
reçoit les âmes des agonisants (5), » dit saint Vincent de Ferrare ; et
non seulement elle les reçoit et les protége, mais encore elle accourt
elle-même au-devant de nos âmes ('), » ajoute saint Jérôme. 0 mon âme !
ne redoute point la mort, puisque le Scapulaire orne ma poitrine, et que
Marie, se trouvant dans mon cœur, t'adresse les mêmes paroles qu'elle
avait adressées à Adolphe : « Pourquoi donc craignez-vous la mort,
puisque vous m'appartenez (*) ? » 0 mon âme ! ne crains pas la mort, car
il ne dépend que de toi-même, pour que Marie te dise ce qu'elle avait
dit à saint Jean de Dieu, saisi de frayeur au moment de son agonie : «
Je ne délaisse jamais mes fidèles serviteurs au moment de leur mort (3).
»
Ah
! Marie ! je sais bien que vous ne délaissez point vos fidèles
serviteurs, mais je crains de ne pas vous être fidèle ! 0 Marie ! faites
donc d'abord que je vous sois toujours fidèle ! Prenez mon cœur, et ne
me le rendez jamais, quand même je vous le redemanderais, quand même je
voudrais vous l'arracher. Entrez dans mon cœur, et n'en sortez pas,
quand même j'essaierais de vous en éloigner ; afin que le jour où la
mort arrivera, et avec elle l'enfer tout entier, en vous voyant dans mon
cœur l'enfer s'épouvante, et que la mort me devienne douce comme votre
nom et celui de votre Fils.
«
Pour la gloire de votre nom, ô ma Souveraine ! accourez au moment où
mon âme devra quitter ce monde ; accourez au-devant d'elle, recevez-la
et consolez-la par votre présence ; soyez pour elle la voie et la porte
du paradis, obtenez-lui la lumière éternelle et la paix du ciel ('). »
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