Le mois de Marie
ou méditations sur sa vie, ses gloires et sa protection
Source : Livre "Le mois de Marie ou méditations pour chaque jour du mois sur sa vie, ses gloires et sa protection" par Aleksander Jełowicki
POUR LE 29° JOUR DU MOIS
POUR LA FÊTE DE NOTRE-DAME DE LA DÉLIVRANCE.
(24 septembre)
LÉGENDE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
A
l'époque où la plus grande et la plus belle partie de l'Espagne
gémissait sous le joug des cruels Sarrasins, et qu'un grand nombre de
fidèles se trouvaient exposés, dans les fers de l'esclavage, à renier la
foi de Jésus-Christ et à perdre le salut éternel, la bienheureuse Reine
des cieux, venant au secours de ces malheureux, signala sa grande
miséricorde dans le rachat de ces captifs. Elle apparut donc à saint
Pierre Nolasco, qui était un homme de beaucoup de piété possédant une
fortune considérable, et qui méditait constamment sur les moyens à
prendre pour venir en aide à ce grand nombre de chrétiens qui
gémissaient dans les fers des Maures. Or, la sainte Vierge, apparaissant
avec un front serein, lui déclara, que ce serait chose très agréable
pour elle et pour son Fils, que l'institution d'un Ordre en son honneur,
qui serait chargé du soin de délivrer les captifs de l'oppression des
Sarrasins. Rempli d'allégresse par cette céleste vision, l'homme de Dieu
se sentit embrasé de la plus ardente charité. Son cœur ne rêva plus que
l'accomplissement de cette institution, dont tous les membres, ainsi
que lui-même, entraînés par cette immense charité, allaient se dévouer
jusqu'au sacrifice de leur vie pour leurs amis et leurs frères. La même
nuit, la sainte Vierge apparut aussi au bienheureux Raymond de
Pennafort, ainsi qu'à Jacques, roi d'Aragon, auxquels elle a fait
connaître les mêmes intentions sur le nouvel Ordre religieux, en les
engageant à prêter la main à l'accomplissement de cette grande œuvre de
charité. Pierre, de son côté, accourut aux pieds de Raymond, qui était
son confesseur, lui raconta sa vision et se remit humblement sous sa
direction. Il apprit alors que Raymond avait été comme lui instruit par
la voie céleste. A ce moment le roi Jacques, qui lui aussi avait été
instruit par la sainte Vierge, arriva auprès d'eux ; ils se concertèrent
ensemble pour l'établissement de l'Ordre en l'honneur de la Mère de
Dieu ; et, sous l'invocation de Notre-Dame de la Délivrance, le 10 août
1218, le même roi Jacques fonda le couvent de l'Ordre religieux proposé
par les deux saints, et dont tous les membres s'engageaient, par un
quatrième vœu, à se rendre comme otages, si besoin en était, au pouvoir
des infidèles, en échange des chrétiens retenus en captivité. Le roi
donna à ces religieux le privilége de porter ses aimes sur leur poitrine
; et il obtint du pape Grégoire IX la confirmation de cet Ordre, si
éminent par son amour envers le prochain. Et, sous la protection de la
Vierge-Mère, Dieu donna à cet Ordre un accroissement si prompt et si
heureux, qu'en peu de temps il s'est propagé par toute la terre,
comptant dans son sein des hommes illustres par leur sainteté, leur
charité et leur piété, qui ramassaient les aumônes des fidèles pour
racheter les captifs, et qui se livraient quelquefois eux-mêmes pour les
délivrer. Afin que les actions de grâces dues pour un pareil bienfait,
et pour l'institution d'un pareil Ordre, soient toujours rendues à Dieu
et à la sainte Vierge, le Saint-Siège consentit à faire célébrer une
fête particulière, avec un office qui lui serait propre ; et dota cet
Ordre de plusieurs privilèges très importants (').
«
Je sais, ô ma souveraine ! s'écrie saint Pierre Damien, que vous êtes
la plus aimante, et que vous nous aimez d'un amour invincible (') ! » Ah
! nous le savons tous, qu'après Dieu, Marie est la plus aimante, et par
conséquent la plus miséricordieuse ; et que sa miséricorde, ainsi que
son amour, est invincible. L'enfer ne la vaincra pas, car c'est au
contraire sa miséricorde qui a vaincu l'enfer. Nos misères ne la
vaincront pas, car l'amour de Marie est un amour maternel ; plus ses
enfants sont misérables, plus son amour est tendre et prévenant. Les
iniquités des hommes et des démons ne la vaincront pas, car, selon nos
besoins, et même surabondamment, selon nos dangers, et bien au delà, la
protection de Marie veille toujours sur nous, nous soutient, nous
protège, nous délivre et nous relève. Y a-t-il quelqu'un qui n'ait
éprouvé la miséricorde de Marie, de cette mère de miséricorde ? A moins
qu'il n'eût jamais prononcé, qu'il n'eût jamais invoqué le nom de Marie ;
à moins que son cœur n'eût jamais répondu par un seul battement au cœur
de Marie ; à ce cœur animé constamment du plus vif amour pour nous,
d'un amour qui nous prévient et nous poursuit, comme la grâce de Dieu,
d'un amour invincible !
Si
l'amour de Marie poursuit ceux-là mêmes qui ne l'aiment pas, de quel
amour n'embrase-t-elle pas tous ceux qui l'aiment : ces petits enfants
qui n'ont jamais affligé cette bonne mère, qui la réjouissent en
répondant à son amour par un amour réciproque, qui jouent à ses pieds
dans la sainte concorde, ceux-là aussi qui, de méchants qu'ils étaient,
sont devenus bons et dociles, grâce à son assistance ! Marie, qui nous
poursuit de son amour, ne se laisse jamais devancer par notre amour pour
elle ; car elle nous aime toujours plus qu'elle n'est aimée de nous.
Saint Ignace le martyr, s'extasiant sur l'amour de Marie, s'écriait : «
Ah ! toujours, toujours, ceux qui aiment Marie, sont bien plus encore
aimés par Marie (') ! »
0
Marie, en vous aimant nous ne vous aimons que comme vos enfants ; et
vous nous aimez bien autrement, car vous nous aimez comme notre mère.
Nous ne saurions donc, ni vaincre votre amour, ni même l'égaler.
Puissions-nous au moins vous aimer autant que nous devons aimer une
telle mère !
On
avait demandé à saint Stanislas Kostka, combien il aimait Marie. A
cette demande il fondit en larmes, et il s'écria « : Marie ? mais c'est
ma mère ! » Oh ! si quelqu'un demandait à Marie combien elle nous aime,
et s'il le demandait de bon cœur, il entendrait au fond de son âme cette
tendre réponse : « Vous ? mais vous êtes mes enfants ! »
Oh!
pourquoi donc ne nous pressons-nous pas autour de cette tendre mère, en
nous y hâtant d'autant plus, que nous avons plus besoin de sa
miséricorde et de son amour ? Pourquoi ne la supplions-nous pas qu'elle
vienne nous délivrer ? nous qui avons besoin d'être délivrés, et de
Satan, et du monde, et de nous-mêmes, et de toutes les chaînes,
malheureusement trop lourdes, que nous nous sommes forgées par nos
péchés.
II.
Parmi
les innombrables solennités établies en l'honneur de Marie notre mère,
l'Eglise célèbre avec reconnaissance la fête de Notre-Dame de la
Délivrance. Et puisque Marie a si merveilleusement pourvu à la
délivrance des fidèles soumis au joug des Sarrasins, quels miracles de
miséricorde n'est donc pas en droit d'espérer celui qui, par son propre
péché, devenu le prisonnier de Satan, recourrait en toute confiance à
Marie, et la prierait de l'arracher à la gueule du lion infernal, fût-il
sur le point de le dévorer.
«
Marie, selon l'expression de saint Bernardin de Buste, veut nous faire
plus de bien, obtenir pour nous et nous accorder plus de grâces que nous
ne pouvons en désirer (') ; » parce que les sentiments de son cœur sont
pour nous ce que les rayons du soleil sont à la nature. Et voici
pourquoi, dit saint Bonaventure, «personne ne saurait éviter sa lumière
et sa chaleur (2). Et comme le soleil éclaire et réchauffe tout ce qui
existe, ainsi Marie, continue saint Bernard, « est devenue tout pour
tous ; elle ouvre à tous le sein de sa miséricorde, afin que chacun y
puise de sa plénitude : le captif, sa délivrance ; le malade, sa
guérison ; l'affligé, sa consolation ; le pécheur, son pardon (') ; » et
saint Alphonse de Liguory ajoute : « et Dieu sa gloire. »
Et
comme Jésus-Christ répand ses richesses sur tous ceux qui l'invoquent
(2) ; de même Marie, qui tient en ses mains tous les trésors de son
fils, répand ses richesses sur tous ceux qui ont recours à elle. Qui
connaît le cœur d'une mère, devinera facilement combien Marie désire que
nous nous adressions à elle, afin de puiser le plus abondamment dans
les trésors de Jésus-Christ qui se trouvent entre ses mains. Comme elle
nous invite ! Comme elle nous attire ! Comme elle nous supplie de la
supplier ! Elle nous entoure de sa protection, alors même que nous ne le
demandons pas, pour que, au moins, nous l'en remerciions, et que cette
action de grâces nous serve de prière ! Elle nous place devant les yeux
les merveilles de son amour, elle nous entoure des rayons de la grâce de
Dieu, afin que nous voyions enfin, que nous nous apercevions enfin que
cette mère de Dieu, qui est la nôtre, mère la plus tendre et la plus
aimable, nous ouvre toujours le sein de sa miséricorde, au fond duquel
nous attend toujours la miséricorde de Dieu. Elle tend ses bras vers
nous, toujours prête à délivrer, à relever, à embrasser, même le plus
grand pécheur ; pourvu qu'il s'écrie du fond de son cœur :
«
Marie, ma mère ! sauvez-moi ! » Elle s'annonce à nous par des milliers
de miracles ; elle se recommande à nous par des milliers de grâces ;
elle nous appelle par des milliers de soupirs maternels, qui font
involontairement soupirer nos cœurs, sans qu'ils puissent même en
deviner quelquefois la cause. Ah ! ce soupir inconnu, c'est le soupir de
Marie notre mère, qui gémit en nous par des gémissements ineffables,
pour demander notre amour, pour nous réveiller du sommeil dans lequel
nous sommes plongés au milieu du désert de ce monde, pour nous délivrer
de ces ennemis acharnés et perfides dont nous sommes entourés. Ce soupir
bienheureux, tout pénétré d'amour, ce soupir est un appel par lequel
Marie nous invite, et nous dit : «Je suis la ville de refuge pour tous
ceux qui ont recours à moi : approchez donc, et recevez surabondamment
de mes mains le don de toutes les grâces (').
Tant
de bonté et de sollicitude de Marie font dire à saint Bonaventure : « 0
ma souveraine ! ce ne sont pas seulement ceux qui vous injurient qui
pèchent contre vous, mais encore ceux-là qui négligent de vous invoquer
et de vous prier (2). »
0
Marie ! préservez-nous de ce péché, et, par là même, vous nous aurez
préservés de tout autre péché ; car, comme l'a dit un de vos serviteurs :
Point ne péchera qui, sitôt tenté,
Du secours à Marie aura demandé (').
Du secours à Marie aura demandé (').
III.
«
Le recours à Marie, dit saint Anselme, n'est pas de la défiance envers
la miséricorde divine ; c'est le juste sentiment de crainte, de sa
propre indignité (2). » — « Allons donc nous présenter avec confiance,
nous dit l'Apôtre, devant le trône de la grâce, afin d'y recevoir
miséricorde, et d'y trouver le secours de la grâce dans nos besoins (3).
» Et ce trône de grâce, qui est-ce, si ce n'est Marie (4)?
Allons
vers Marie, nous tous principalement qui sommes chargés des liens du
péché ; qui avons refusé tant de fois la grâce et l'amour de
Jésus-Christ ; qui sentons très bien que nous ne sommes plus dignes
d'être écoutés ; qui, par notre malice, notre impudicité et une infinité
d'autres crimes, avons effacé et souillé l'image de Jésus-Christ
imprimé sur nos âmes ; nous qui ne nous sentons dignes que d'être
rejetés, qui connaissons toute l'infamie de notre ingratitude envers le
bon pasteur, qui n'a point hésité à livrer sa vie pour ses brebis, pour
nous ; nous enfin qui, effrayés à la vue de tout le mal que nous avons
fait, nous sommes presque tentés de désespérer de la miséricorde de Dieu
si généreuse qu'elle soit, sachant que nous avons nous-mêmes poussé sur
nous la porte de cette miséricorde infinie, que nous l'avons barricadée
par notre impénitence, et que nous l'avons hérissée contre nous, comme
d'autant des glaives, de l'innombrable multitude de nos péchés. Oui,
tout coupables, tout criminels, tout infâmes que nous soyons, ne
désespérons pas ; car nous avons Marie ! Adressons-nous à Marie, avec
saint Jean Damascène, en lui disant : « Ouvrez-nous la porte de la
miséricorde du Seigneur, bienheureuse Vierge, mère de Dieu ! car vous
êtes le salut du genre humain ('). » Et redisons avec saint Ambroise : «
Marie ! ouvrez-nous les portes éternelles, car vous avez les clefs du
Paradis (2) ! »
Saint
Anselme nous apprend, « que notre salut nous peut quelquefois venir
plus promptement en invoquant le nom de Marie, qu'en invoquant le nom de
Jésus même ; car, à Jésus, en tant que juge, il appartient aussi de
nous punir ; tandis qu'à Marie, qui est notre avocate, il n'appartient
que de nous défendre(3).
«
0 bienheureuse Marie ! s'écrie saint Bernard, vous êtes la mère du
coupable et la mère du juge ; mère de tous les deux, vous ne souffrirez
point de discorde entre vos deux enfants ('). » « 0 Marie ! exclame
saint Bonaventure, vous embrassez de votre amour maternel le pécheur le
plus abominable au monde entier, et vous ne l'abandonnez, jusqu'à ce que
vous ne l'ayez réconcilié avec son juge (2). »
Et
moi, je m'écrie : 0 Marie ! refuge des pécheurs ! vous qui ne méprisez
personne, vous qui n'abandonnez pas même les plus grands coupables,
réconciliez-moi, moi enfant prodigue, moi pécheur le plus misérable et
le plus indigne, réconciliez-moi avec Jésus votre fils et mon juge, afin
qu'au jour du jugement je ne trouve en lui que mon Rédempteur et mon
Sauveur.
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