Le mois de Marie
ou méditations sur sa vie, ses gloires et sa protection
Source : Livre "Le mois de Marie ou méditations pour chaque jour du mois sur sa vie, ses gloires et sa protection" par Aleksander Jełowicki
POUR LE 26e JOUR DU MOIS
POUR LA FÊTE DE L'ASSOMPTION DE LA SAINTE VIERGE.
(Le 15 août)
LÉGENDE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
«
L'ancienne tradition nous apprend qu'au moment où la très-sainte Vierge
allait s'endormir du sommeil de la mort, tous les saints Apôtres, qui
alors furent dispersés par toute la terre pour travailler au salut des
peuples infidèles, furent au même instant transportés dans les airs pour
se réunir à Jérusalem. Lorsqu'ils y furent arrivés, une vision d'anges
leur apparut, et ils entendirent les cantiques des esprits célestes ; et
c'est ainsi qu'au milieu d'une gloire divine Marie rendit son âme
très-sainte entre les mains de Dieu ; tandis que son corps qui, d'une
manière indicible, avait accueilli Dieu même, fut déposé dans un
cercueil à Gethsémani, au milieu des cantiques des Anges et des Apôtres,
lequel chant des Anges s'y prolongea durant trois jours sans
interruption ; et lorsque cette mélodie céleste cessa au bout de trois
jours, les Apôtres, en compagnie de saint Thomas, qui n'était arrivé
qu'après le troisième jour, et qui voulait adorer le corps sacré qui
avait porté Dieu, ouvrirent le sépulcre, mais ils ne purent aucunement y
trouver ce corps. Et comme ils n'y trouvèrent que le linge dont il fut
enveloppé, et qu'une odeur la plus suave qui en émanait les eut
pénétrés, ils refermèrent le cercueil, frappés de ce mystérieux miracle ;
la seule chose qu'ils pensèrent fut, que celui auquel il avait plu de
tirer sa chair, se faire homme et naître de la Vierge Marie, comme il
était Dieu le Verbe, et Seigneur de gloire, et qu'il avait conservé
intacte sa virginité après l'enfantement même, il lui a plu aussi de
glorifier ce corps immaculé, en le rendant incorruptible après sa mort,
et en le transférant au ciel avant la résurrection commune et
universelle ('). »
I.
«
Il est arrêté que les hommes meurent une fois ('), car la mort est la
solde, la rançon du péché (2)... » Mais Marie, conçue sans péché et
toujours sainte, pourquoi fallait-il qu'elle mourût ? C'est parce que
Jésus-Christ est mort. C'est aussi pour nous rendre, conjointement avec
Jésus, la mort plus douce, et non seulement plus douce, mais encore
désirable. Effectivement, depuis que, par la mort de Jésus, le ciel nous
est ouvert ; depuis que, par la mort de Marie, nous avons une mère au
ciel, la mort, pour tous ceux qui aiment Jésus et Marie, est le plus
grand des bienfaits ; car elle met le terme aux misères de cette vie, et
nous ouvre la gloire, le bonheur et la félicité de la vie éternelle.
«
C'est une chose précieuse devant les yeux du Seigneur que la mort de
ses saints (3) ! » s'écrie le Roi-prophète. Qu'elle était donc précieuse
devant les yeux du Seigneur, la mort de Marie ! de cette Sainte
au-dessus de tous les saints, de cette Reine de tous les saints ! Marie
soupirait après la mort depuis l'ascension de Jésus-Christ ; car,
servante du Seigneur, elle désirait se trouver avec son Seigneur, et
mère de Dieu, elle désirait se trouver avec son fils Dieu. Et tous les
deux soupiraient après la mort de Marie ; car ils désiraient voir et
posséder la mère de leur Roi, leur Reine. 0 Marie ! nous soupirons aussi
après la mort, car nous désirons être avec Jésus et avec vous, pour le
servir, et régner avec vous.
Qu'est-ce
qui fait l'amertume de la mort ? c'est l'attachement aux biens
terrestres. « 0 mort ! que ton souvenir est amer à un homme qui vit en
paix au milieu de ses biens ('), » dit le Sage du Seigneur. Qu'est-ce
qui donne la terreur de la mort ? c'est le péché, c'est-à-dire la
désobéissance à la loi de Dieu. « Malheur à vous, hommes impies, qui
avez abandonné la loi du Seigneur, le Très-Haut (;!)! » Mais celui, au
contraire, qui suit la loi de Dieu , qui garde les voies du Seigneur,
celui que l'amour de Dieu a détaché de la terre pour l'élever au ciel,
celui qui ne vit que pour Dieu et en Dieu, celui-là désire la mort de
tout son cœur, et dit avec saint Paul : « Jésus-Christ est ma vie, et la
mort m'est un gain... Je désire d'être dégagé des liens du corps, et
d'être avec Jésus-Christ ; ce qui est sans comparaison le meilleur ('). »
Combien
donc Marie ne devait-fille pas désirer la mort, elle qui n'avait jamais
été attachée à la terre, elle qui brûlait toujours de l'amour de Dieu,
elle qui était toute plongée en Dieu, elle, « cette femme qui était
revêtue du soleil, et qui avait la lune sous ses pieds et une couronne
de douze étoiles sur sa tète (')? » Oh ! combien Marie devait désirer la
mort ! elle qui soupirait après Jésus, après son fils et son Dieu, elle
qui soupirait par d'inexprimables gémissements : « La voix de la
tourterelle s'est l'ait entendre dans notre terre (2) ; » car où était
l'objet de son affection, son cœur y demeurait constamment, ainsi qu'il
est écrit : « Là où est votre trésor, là sera aussi votre cœur (3). »
Et
nous, qui pouvons et qui devons, à l'exemple de Marie, fouler aux pieds
le monde, habiter le ciel par notre cœur, et devenir par nos œuvres
frères, sœurs et mère du Christ ; et nous aussi, vivant à l'exemple de
Marie, nous désirerons la mort à l'exemple de Marie. « Arrière avec les
larmes ! » disait en mourant saint Laurent Justinien à ceux qui le
pleuraient. « Arrière avec les larmes ! ce n'est pas le moment des
larmes, c'est celui de la joie (4)! »
Une
pieuse carmélite s'étonnait beaucoup de ce que le médecin, qui lui
avait annoncé sa fin prochaine, ne demandait pas une forte récompense
pour lui avoir apporté une si bonne nouvelle. Un grand nombre de saints,
ayant supporté les fatigues de la vie, confiants en la miséricorde de
Dieu, qui ne repousse jamais Un cœur humble et contrit, désiraient
ardemment la mort, et la saluaient avec joie.
Oh
! quelle était donc la joie de Marie, lorsque le feu de son amour pour
Dieu, toujours plus ardent, consumait déjà les dernières fibres de ces
liens invisibles, qui rattachaient son âme à cette vie mortelle, lorsque
d'un moment à l'autre il allait enlever cette âme trois fois bénie,
pour la porter sur ses flammes célestes jusqu'au-dessus des chœurs des
anges, jusque dans le sein de Dieu ! Toute sa vie, Marie demandait
toujours : « Qui me donnera des ailes comme à la colombe, afin que je
puisse m'envoler et me reposer (')? » C'est la mort qui lui a donné ces
ailes ; c'est la mort qui nous les donne aussi. Les anges sont descendus
pour chercher leur Reine ; et Marie est toujours prête à descendre pour
chercher chacun de nous, car nous sommes ses enfants.
0
Marie ! apprenez-nous à vivre comme vous, pour que nous désirions
mourir comme vous ! et à l'heure de notre mort, venez nous chercher
vous-même, portez-nous vous-même jusqu'à votre fils, présentez-nous à
lui en qualité de vos enfants. Oh ! si vous daignez exaucer cette prière
! aujourd'hui même, et à l'instant même, je suis prêt à mourir entre
vos bras, afin de vivre éternellement sur votre sein, ô Mère chérie ! «
Mon cœur est préparé, ô Dieu ! mon cœur est préparé (') ! »
II.
«
Levez-vous, hâtez-vous , ma bien-aimée, ma colombe, mon unique beauté,
et venez ! car l'hiver est déjà passé, les pluies se sont dissipées, et
ont cessé entièrement (2). » O Marie, l'hiver de la mort est passé pour
vous ; la pluie de vos larmes s'est dissipée, et elle a cessé
entièrement. Voici votre bien-aimé qui vous appelle : Levez-vous ! «
Venez, venez, vous serez couronnée (3). » Oui, vous serez couronnée, ô
notre mère ! comme Reine des Anges, Reine des Patriarches, Reine des
Prophètes, Reine dos Apôtres, Reine des Martyrs, Reine des Confesseurs,
Reine des Vierges, Reine de tous les saints, Reine de toutes les
nations, et de la nôtre aussi. Levez-vous, venez, vous serez couronnée !
Et l'âme de Marie est venue chercher son corps, et elle se leva. Et,
plus belle que la lune au milieu des étoiles, Marie brilla au milieu des
saints et des anges descendus pour la chercher ; elle brilla du reflet
de la clarté du soleil, du reflet de la gloire de Jésus, qui s'avançait
au-devant d'elle. « Le glorieux Jésus se leva, dit saint Bernardin, et
s'avança à la rencontre de sa mère, pour la présenter lui-même à la très
sainte et très adorable Trinité ('). »
0
Marie ! qui pourra dire les merveilles de cette rencontre ! En vous
voyant défaillante d'amour, appuyée sur le bras de votre fils, les
esprits bienheureux se demandaient : « Quelle est celle-ci, qui s'élève
du désert, toute remplie de délices, et appuyée sur son bien-aimée (2)?»
C'est Marie ! c'est Marie ! — Levez vos portes, ô princes ! et vous,
portes éternelles, levez-vous, afin de laisser entrer la Reine de gloire
! Qui est cette reine de gloire ? C'est la reine forte et puissante,
reine puissante dans les combats, qui a écrasé la téte du serpent. Levez
vos portes, ô princes ! et vous, portes éternelles, levez-vous, afin de
laisser entrer la Reine de gloire (3) !
Et
ce ne sont pas seulement les portes du ciel, c'est le ciel lui-même qui
s'est ouvert pour la laisser entrer, qui s'est incliné à son approche.
Et la sainte Trinité l'a bénie à son arrivée. Dieu le Père a béni sa
fille bien-aimée. Dieu le Fils a béni sa mère si tendrement
affectionnée, Dieu le Saint-Esprit a béni son épouse fidèle. La très
sainte Trinité a revêtu Marie du reflet de sa gloire et l'a remplie de
sa béatitude... Gloire à vous, ô Jésus fils de Dieu et fils de Marie
!... « La Reine s'est tenue à votre droite, ayant un habit enrichi d'or,
étant environnée de ses divers ornements ('). » Oh ! que le ciel est
devenu beau de l'éclat de toute sa beauté !
O
Marie ! « beaucoup de filles ont amassé des richesses, mais vous les
avez toutes surpassées (2) ; » car le Fils de Dieu, qui est votre fils,
vous a couronnée lui-même. 0 Marie, donnez-nous le droit de cité dans le
royaume des deux, vous qui êtes notre reine ; donnez-nous une part de
votre héritage, vous qui êtes notre mère !
III.
A qui vous comparerai-je ? Marie. A personne ; car vous êtes supérieure à toute créature, et vous n'êtes inférieure qu'à Dieu.
Marie
est supérieure à tous les saints et à tous les anges du Seigneur, au
delà de toute mesure. « Au delà de toute comparaison, dit saint Éphrem,
Marie surpasse par sa gloire tous les esprits célestes (3). »
«
Après Dieu, supérieure à tous ('), » dit saint André de Crète. « Élevée
au-dessus de toute créature (2), » dit saint Arnoud. Et saint Bernardin
de Sienne ajoute : « Que la glorieuse Marie a le même nombre de
serviteurs que la très-sainte Trinité ; car toutes les créatures, anges
ou hommes, toutes celles qui sont au ciel comme toutes celles qui sont
sur la terre, étant sujets de Dieu, sont sujets de la sainte Vierge ;
car Dieu lui-même l'a couronnée pour cela (3). » — « Vous n'avez point
d'égal, s'écrie saint Anselme en s'adressant à Marie, car tout ce qui
est, n'est qu'au-dessus, ou au-dessous de vous : au-dessus c'est Dieu
seul, au-dessous c'est tout ce qui n'est pas Dieu (4). »
Telle est votre grandeur, ô Marie ! grandeur incommensurable !
Et votre béatitude, qui pourrait la comprendre ?
Si
saint Paul, dans son extase enlevé au Paradis, s'écrie : « que l'œil
n'a point vu, que l'oreille n'a point entendu, et que le cœur de l'homme
n'a jamais conçu ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment ('); »
quelles sont donc la gloire et la béatitude que Dieu avait préparées
pour Marie, qui l'aimait plus que tous les cœurs ensemble ! Si le
Psalmiste, se trouvant encore sur la terre, élevant sa voix à la louange
du Seigneur, a dit : « Vos consolations ont rempli de joie mon âme, à
proportion du grand nombre de douleurs qui ont pénétré mon cœur (2); »
quel devait être le cantique de Marie, montée au ciel, couronnée au ciel
par la main de Dieu luimême ! Car si les douleurs de Marie étaient sans
bornes, combien les consolations dont Dieu avait rempli son âme au ciel
devaient-elles être plus incommensurables encore ! Car, dit l'Apôtre, «
les souffrances de la vie présente n'ont point de proportion avec cette
gloire, qui sera un jour découverte en nous(8). » Si, d'après les
paroles de Jésus-Christ, sont bienbeureux les pauvres d'esprit,
bienheureux ceux qui sont doux, bienheureux ceux qui pleurent,
bienheureux ceux qui sont affamés et altérés de la justice, bienheureux
ceux qui sont miséricordieux, bienheureux ceux qui ont le cœur pur,
bienheureux les pacifiques, et bienheureux ceux qui souffrent
persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux est à eux :
oh ! vous êtes donc huit fois bienheureuse, ô bienheureuse Marie ! car
vous avez mérité toutes ces bénédictions, et avec infiniment plus
d'abondance que personne.
Réjouissons-nous
donc et tressaillons de joie, de ce que la récompense qui avait été
réservée à Marie dans les cieux, lui a été accordée non seulement avec
justice, mais avec abondance (') : avec justice, parce que Dieu « rendra
à chacun selon ses œuvres (2) ; » avec abondance et surabondance, parce
que Dieu a promis « une bonne mesure, pressée et entassée, et qui se
répandra par dessus (3). »
O
Marie ! rien ne saurait nous donner l'image de votre grandeur, de votre
gloire, de votre richesse, de votre félicité et de votre béatitude, si
ce n'est votre nom, lequel, après celui de Jésus, est le plus beau, le
plus puissant, le plus miséricordieux et le plus doux. Votre trône, du
haut duquel vous régnez sur la terre et sur les cieux, est élevé
au-dessus de tous les trônes des bienheureux , de tous les trônes des
esprits célestes, que votre fils, ô notre mère, a fait rouler sous vos
pieds comme autant de grains de perles éblouissantes. Dans les cieux il
n'y a pas de créature qui soit votre égale. Aucun être ne vous est
supérieur, si ce n'est Dieu même, et votre fils bien aimé, qui est le
fils de Dieu et Dieu lui-même ; et c'est ce qui ajoute encore à
l'indicible bonheur de votre cœur maternel, car vous êtes sa mère !
0
mère trois l'ois admirable ! « Après la vision de Dieu, la plus grande
gloire est celle de vous contempler (').» — « Vous êtes, après Dieu,
notre plus grande gloire et notre plus grande joie (*). » Vous êtes,
après Dieu, toute notre espérance ! 0 bienheureuse ! dans l'immensité de
votre gloire et de votre bonheur pourriez-vous oublier la misère de vos
enfants ? « 0 jamais ! jamais ! une miséricorde si grande que la vôtre
ne saurait oublier une misère aussi profonde que la nôtre (3). » — «
Votre miséricorde, ô Marie ! était bien grande lorsque vous étiez
souffrante sur la terre ; mais elle est bien plus grande encore depuis
que vous régnez au ciel (4). » Comme vous n'avez point hésité à donner
pour nous toutes vos douleurs sur la terre, hésiteriez-vous à nous faire
participer de vos joies au ciel ? Que l'on vous demande des biens
temporels, qui sont aussi à votre disposition ; mais nous, ô notre mère !
nous ne vous demandons que des biens éternels ; nous demandons par
votre intercession la rémission des péchés, l'amendement de la vie, la
bonne mort, et le bonheur de vous contempler vous et votre fils. «Oh !
de grâce, notre avocate, tournez donc vers nous vos regards
miséricordieux, et après cet exil montrez-nous Jésus, le fruit béni de
vos entrailles, ô clémente, ô charitable, ô douce vierge Marie (') ! »
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