Le mois de Marie
ou méditations sur sa vie, ses gloires et sa protection
Source : Livre "Le mois de Marie ou méditations pour chaque jour du mois sur sa vie, ses gloires et sa protection" par Aleksander Jełowicki
POUR LE 24ème JOUR DU MOIS.
DE LA CHASTETÉ DE MARIE.
I.
La
vertu de chasteté est si pure, si lumineuse, que son éclat surpasse
celui des anges. Les anges ne possèdent point le mérite de la chasteté,
car ils n'ont point de corps. La vertu de chasteté est une vertu
héroïque, exigeant des combats continuels, des veilles constantes, des
prières incessantes ; car cette vertu, la plus chère à Dieu, est
principalement exposée aux attaques de Satan, qui, pour en venir à bout,
irrite les sens et l'imagination. Tous ses traits contre la chasteté
sont toujours dangereux, et ses blessures toujours mortelles. Voici
pourquoi, pour soutenir ce combat, il faut toujours avoir recours à
Marie ; car cette tour de David est remplie d'armes et d'armures qui
facilitent la victoire, victoire de préférence couronnée par Dieu.
Pour
remporter la victoire, la chasteté rencontre d'autant plus d'obstacles,
que le corps se révolte toujours contre l'esprit, et qu'il s'oppose
toujours à lui, comme l'Apôtre s'en plaint en parlant de lui-même : « Je
me plais, dit-il, dans la loi de Dieu, selon l'homme intérieur ; mais je
sens dans les membres de mon corps une autre loi qui combat contre la
loi demon esprit, et qui me rend captif sous la loi du péché, qui est
dans les membres de mon corps. Malheureux homme que je suis! qui me
délivrera de ce corps de mort ? » Et il se répond : «La grâce de Dieu,
par Jésus-Christ notre Seigneur ('). » Et nous ajouterons : par Marie,
mère de notre Seigneur Jésus-Christ, qui peut obtenir pour nous la grâce
de chasteté, et qui, par son charme, nous attire à cette belle vertu.
«
Vous êtes toute belle, ma bien-aimée ! et il n'y a point de tache en
vous (2) ! » a dit l'Esprit saint en parlant de Marie. Et pourquoi Marie
est-elle belle et toute belle ? C'est qu'il n'y a point eu en elle de
tache qui eût souillé son âme et son corps ; c'est qu'elle est demeurée
chaste de corps et de cœur ; c'est qu'elle aima, par amour de Dieu, la
vertu de chasteté, afin de se rendre ainsi plus chère à Dieu. Aussi elle
a plu à Dieu, observe l'un des Pères de l'Église, par sa virginité, et
tellement plu, que le Saint-Esprit exalte de toute manière cette très
chaste virginité. « Levez-vous, dit-il, hâtez-vous, ma bien-aimée, ma
colombe, mon unique beauté ! et venez... Vous êtes la fleur des champs
et le lis des vallées... l'odeur de vos vêtements est comme l'odeur de
l'encens. Ma sœur, mon épouse est un jardin fermé et une fontaine
scellée (')... »
Oh
! que cette beauté, si vivement aimée de Dieu, devrait être le souhait
de chacun de nous, afin qu'en nous voyant, Dieu nous dise aussi : « Vous
êtes tout beau, mon bien-aimé ! »
Tel
fut le premier homme créé par la main de Dieu. Tel fut chaque chrétien
régénéré par la grâce de Dieu. Et non seulement dans le sacrement du
Baptême Dieu nous a donné la chasteté du corps et de l'âme, et la grâce
pour la bien garder ; mais encore il nous la redonna dans le sacrement
de la Pénitence ; et il nous munit d'une nouvelle force pour la
conserver, en nous nourrissant dans le très-saint Sacrement de sa propre
chair, chaste par excellence, et en nous abreuvant de son propre sang,
de ce « vin délicieux qui fait germer les vierges (2). » Nous pouvons
donc et nous devons être chastes ; mais le voulons-nous ?
II.
Tel
qu'est le lis entre les épines, telle est ma bienaimée entre les filles
('). «Tel que le lis brille entre les épines, telle la très-chaste
Marie brille entre les filles d'Adam. Toutes les autres filles d'Adam
étaient ce que sont les épines, soit à l'égard d'elles-mêmes, soit à
l'égard des autres. La seule Marie fut un lis pour tous ; sa vue
attirait tous par sa chasteté et par le charme admirable de sa modestie,
qui est la sauvegarde, le témoin et l'ornement de la chasteté.
Que
de fois avons-nous été ce que sont les épines, pour nous, ou pour les
autres ! Ayons-en honte maintenant, et contemplons Marie, ce lis de
chasteté, pour aimer enfin la chasteté, chacun selon son état,
Il
y a chasteté virginale et chasteté conjugale ; l'une absolue, l'autre
relative ; l'une supérieure et plus noble , l'autre inférieure et moins
noble, mais non moins délicate ; l'une est comme l'or, et l'autre comme
l'argent ; mais chacune d'elles, selon l'état et la vocation de chacun,
appartient au trésor du Seigneur. Hélas ! l'une comme l'autre sont rares
; le champ de ce monde est tout couvert d'épines, et c'est à peine si
l'on rencontre quelques lis... Il faut cependant que ces épines
deviennent des lis, pour mériter de fleurir éternellement dans les
prairies de l'Agneau de Dieu.
Le
bienheureux Albert le grand, zélateur de la vertu de chasteté,
l'admirant dans Marie, s'écrie : «0 vierge des vierges ! qui sans
conseil et sans exemple a voué sa chasteté à Dieu, et dont l'exemple
suscita toutes les vierges ('). » — « 0 vierge des vierges ! s'écrie
saint Bernard, qui donc vous a appris à plaire ainsi à Dieu par votre
chasteté, et à vivre sur la terre de la vie des Anges (2) ?» Ah ! c'est
l'amour parfait qui l'a appris à Marie.
La
meilleure arme pour défendre, le meilleur bouclier pour préserver la
chasteté, c'est l'amour de Dieu. Celui qui aime Dieu d'un amour
véritable restera pur comme l'or au creuset. Marie, qui aimait Dieu de
cet amour, gardait sa chasteté, et l'estimait tant, qu'elle eût mieux
aimé ne pas devenir mère de Dieu que de la perdre ; et voici pourquoi
elle dit à l'Ange qui lui annonçait que d'elle naîtrait le Sauveur du
monde : a Comment cela se fera-t-il, car je ne connais point d'homme
(3)?» Et ce n'est que lorsque l'Ange l'eut assurée qu'elle concevrait du
Saint-Esprit, qu'elle consentit avec humilité à devenir mère de Dieu,
en prononçant ces mots, d'où dépendait le salut du monde : « Qu'il me
soit fait selon votre parole ('). » Le salut du monde dépendait
effectivement du consentement de Marie ; mais il dépendait aussi de sa
chasteté ; car Dieu ne pouvait naître que d'une vierge aussi
complétement pure que le fut Marie.
Et
maintenant le saint de chacun de nous dépend aussi de notre chasteté,
personnelle, soit virginale, soit conjugale, soit celle de veuve, pourvu
qu'elle soit fidèlement gardée, et qu'elle s'oppose constamment à
l'ignoble péché d'impudicité qui perd les âmes et le monde. Car
quiconque s'endort dans ce péché peut se réveiller aux enfers. Qui meurt
dans ce péché sera enseveli aux enfers. « Celui qui garde la chasteté
est un ange, dit saint Ambroise, et celui qui la perd devient un démon
(2). » Quelle terrible vérité !
«
0 Marie ! Dieu vous a choisie pour servir d'étendard à la chasteté (3).
» Nous accourons donc tous, et nous nous rangeons tous sous votre
drapeau, car nous voulons être les vainqueurs. Conduisez-nous,
protégez-nous, combattez en nous, afin que nous triomphions. 0 Marie !
mère de chasteté, purifiez vos enfants par le sang de votre fils, et
jusqu'à notre mort gardez notre chasteté.
III.
«
Des vierges seront amenées au roi après elle ; on les conduira jusque
dans le temple du roi ('). » Voici donc le chemin virginal, le chemin
qui conduit au temple du roi, le chemin qui conduit à Dieu : c'est de
suivre Marie, d'imiter Marie ; mais de l'imiter surtout dans la chasteté
du cœur, qui est une condition indispensable pour conserver la chasteté
du corps. Car l'homme du dehors vient toujours de l'homme du dedans ;
et voilà pourquoi le Psalmiste dit, en parlant de Marie : « Toute la
gloire de cette fille du roi lui vient du dedans (2). » Ainsi, demandons
avec le Psalmiste la chasteté du cœur : « Créez en moi, ô Dieu ! un
cœur pur (3) ! » Et suivant l'exemple de Marie, plaçons à la garde de la
chasteté la douceur et l'humilité.
Marie
fut la plus chaste, car elle fut la plus douce et la plus humble. «
Bienheureux ceux qui sont doux, car ils posséderont la terre (4), » a
dit le Seigneur. Ils posséderont la terre promise dans la vie future,
c'est-à-dire la patrie céleste; et dans cette vie ils posséderont la
terre, c'est-à-dire qu'ils auront triomphé du monde et de la chair par
la vertu de la chasteté. « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce
qu'ils verront Dieu ('), » dit encore le Seigneur. Et comme «il
n'entrera rien de souillé dans le royaume du ciel (2), » il est évident
que c'est la chasteté du cœur qui donne la chasteté du corps. 0 Marie !
vierge au cœur le plus chaste ! obtenez-nous la chasteté du cœur, afin
que, chastes au dehors comme au dedans, nous puissions contempler Dieu
avec vous jusque dans les plus intimes perfections de son être divin.
Pourquoi
nous est-il si difficile de conquérir la vertu de chasteté ? « C'est,
dit saint Augustin, parce que nous ne voulons pas garder ce qui la
garde. » Qu'est ce donc qui garde la chasteté ? Bellarmin nous
l'apprend, en citant Marie pour exemple : « C'est, dit-il, le jeûne,
l'éloignement ou la fuite des dangers, et la prière (3) ; » ajoutons-y
le travail. Marie nous offre pour tout cela le modèle le plus excellent.
Ainsi
: 1) Quant au jeûne, ses yeux et sa bouche jeûnaient par l'incomparable
modestie et l'inaltérable continence, comme saint Épiphane, saint Jean
Damascène, saint Grégoire de Tours, saint Bonaventure et tant d'autres
l'observent à sa louange. Elle gardait toujours les yeux baissés, elle
n'ouvrait jamais la bouche inutilement, et jeûnait tous les jours de sa
vie par toutes les abstinences et toutes les mortifications de la chair.
Tandis que nous, qui traitons si légèrement le jeûne, qui tournons en
dérision la mortification de la chair, comment voulons-nous être chastes
?
2)
L'éloignement ou la fuite des dangers. « Celui qui évite les pièges
sera en sécurité ('), » dit le Sage du Seigneur en parlant de tous les
pièges. Combien plus faut-il se garder des pièges partout tendus à la
vertu de chasteté, car ceux-là sont les plus dangereux et les plus
traîtres. Saint Philippe de Néri nous dit : « Que dans le combat des
sens il n'y a que le poltron qui triomphe ; » c'est-à-dire celui qui
fuit toute tentation et qui craint le péché d'impudicité jusqu'à éviter
la moindre occasion qui pourrait y conduire. Un tel poltron est un
véritable héros, car il est vainqueur de lui-même. C'est ainsi que
faisait Marie, qui, veillant constamment sur sa chasteté, s'était
troublée en entendant les paroles de l'Ange ; qui, en allant visiter
Élisabeth, pour éviter autant que possible la rencontre des hommes,
comme dit l'Évangéliste : « s'en alla en toute hâte (a) ; » et qui
enfin, pour la même raison, s'en retourna chez elle avant la naissance
de saint Jean-Baptiste. Pour conserver la chasteté et la mettre à l'abri
de tout danger, Marie gardait soigneusement la retraite et n'allait au
milieu du monde que pour exercer quelque acte de charité ; comme elle le
fit en allant aux noces de Cana, où elle s'était rendue en compagnie de
Jésus. Oh ! que de leçons pour nous tous dans cette conduite de Marie !
3)
La prière. « Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la
tentation ('), » a dit le Seigneur, Mais il faut prier de bouche et de
cœur, ainsi qu'il faut veiller sur ses sens et sur son cœur. Il faut
prier constamment, car le danger est constant. Il faut, par une prière
continuelle de notre cœur, nous tenir continuellement dans le cœur de
Dieu ; car ce n'est qu'ainsi, ce n'est que là, que nous nous trouverons
en assurance et hors de danger. Oh ! que l'exemple de Marie nous
enseigne bien ce secret de bonheur et de sécurité ! 0 Marie ! qui
pourrait dire vos prières et vos veilles ?
4)
Le travail. Le travail est une arme certaine contre la tentation : car
la paresse est l'une des principales causes de l'impudicité. L'orgueil,
la gourmandise et la paresse, mènent au quatrième péché capital, à
l'impureté. « Voici quelle a été l'iniquité de Sodome, dit le Seigneur,
ça été l'orgueil, l'excès de viande, l'abondance de toutes choses et
l'oisiveté où elle était elle et ses filles. Elles ne tendaient point la
main au pauvre et à l'indigent ; et elles se sont élevées et ont commis
des abominations devant moi ; c'est pourquoi je les ai détruites comme
vous avez vu (2). » Et le Seigneur les a détruites par un déluge de feu,
pour montrer que le feu éternel sera le châtiment de cet abominable
péché.
0
Marie ! ô la plus humble, la plus sobre et la plus laborieuse !
obtenez-nous l'humilité, la sobriété et l'amour du travail, afin que
nous ne soyons pas comptés parmi les plus stupides ; car le Sage du
Seigneur l'a dit : « Celui qui aime à ne rien faire est très insensé
('). » Obtenez-nous la pitié et la miséricorde envers les pauvres, afin
que leurs prières nous obtiennent la chasteté, que nous ne pouvons avoir
que par un don de Dieu, comme ce même Sage nous l'apprend, en disant : «
J'étais un enfant bien né, et j'avais reçu une bonne âme ; et, devenant
bon de plus en plus, je suis venu dans un corps qui n'était point
souillé. Comme je savais que je ne pouvais avoir la continence si Dieu
ne me la donnait (et c'était déjà un effet de la sagesse de savoir de
qui je devais recevoir ce don), je m'adressai au Seigneur, je lui fis ma
prière, et je lui dis de tout mon cœur (2). »
Ainsi,
ô Marie ! mère la plus chaste ! mère la plus aimable ! nous vous
supplions de tout notre cœur, obtenez-nous de votre fils le don de
chasteté, et veillez sur nous, pour conserver à jamais dans nos cœurs
cette vertu qui vous est si chère.
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