Le mois de Marie
ou méditations sur sa vie, ses gloires et sa protection
Source : Livre "Le mois de Marie ou méditations pour chaque jour du mois sur sa vie, ses gloires et sa protection" par Aleksander Jełowicki
POUR LE 14ème JOUR DU MOIS.
Quatrième douleur de la Très-sainte Vierge.
Marie rencontre Jésus allant à la mort.
Quatrième douleur de la Très-sainte Vierge.
Marie rencontre Jésus allant à la mort.
I.
0 Marie ! vos douleurs précédentes n'étaient que le prélude de cette grande, immense, solennelle douleur du martyre, que vous avez souffert conjointement avec le Fils de Dieu et le vôtre.
L'heure de la rédemption du monde avait sonné ; l'heure du plus sublime des sacrifices avait retenti. Comme un guerrier salue le son de la trompette qui l'appelle au combat, ainsi votre fils, ô Marie !
a salué cette heure du combat, en disant à ses disciples : « J'ai
souhaité avec ardeur de manger cette pâque avec vous ('). » Et pourquoi
le souhaitait-il avec tant d'ardeur ? C'est que cette pâque était la
dernière, et que sa passion allait commencer.
Ainsi
qu'au jour d'un grand succès ou d'une joie légitime nous donnons à nos
amis des fêtes, nous leur offrons des cadeaux, et nous accordons à nos
ennemis l'oubli de leurs offenses ; de même
en ce jour mémorable votre fils bien-aimé, au milieu d'un banquet, nous
a donné un cadeau, le plus riche cadeau qu'il ait pu nous faire, en se
donnant lui-même à nous dans le très-saint Sacrement, pour servir de nourriture et de breuvage à nos âmes, de preuve à son amour, et de gage de son pardon aux pécheurs pénitents. Heureux du don qu'il venait de nous
léguer, il adresse à son Père des prières pour ses disciples ; il les
précède au jardin des Oliviers, et va spontanément au-devant de sa passion.
A cette heure, éloignée en réalité, mais présente en esprit, Marie, qui partageait les joies de Jésus-Christ,
va partager ses douleurs ; car, comme deux cordes du même son, dont une
seule touchée fait vibrer l'autre à l'instant même, ainsi le cœur de Jésus et le cœur de Marie renvoyaient simultanément l'un à l'autre tous leurs sentiments. « Jésus souffrait-il, dit saint Grégoire, Marie souffrait aussi : car c'étaient les deux luths, dont l'un résonnant faisait résonner l'autre sans qu'on y touchât ('). »
Au jardin des Oliviers, Jésus ayant pris sur lui le fardeau de tous nos péchés, il en fut tellement accablé que son sang s'échappait de tous ses pores, « et il lui vint une sueur comme de gouttes de sang
qui découlaient jusqu'à terre.... Et étant tombé en agonie, il
redoublait ses prières, en disant : Mon Père, si vous le voulez,
éloignez ce calice de moi ; mais que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la vôtre (2). » Loin de Jésus, Marie éprouvait aussi les angoisses de l'agonie ; et accablée de souffrances, elle adressait à Dieu ses ferventes prières : « Elle n'a point cessé de pleurer pendant la nuit, et ses joues sont trempées de ses larmes ; il n'est personne qui la console ('). »
Lorsque Jésus au jardin des Oliviers, la face prosternée contre la terre, qu'il venait d'inonder de son
sang, s'offrait à son Père pour le salut du monde ; lorsque, les bras
étendus en croix, il embrassait toutes les contrées et toutes les
générations, et leur donnait un baiser de paix ; lorsque des mains de l'Ange il acceptait le calice de la Passion, qu'il allait boire jusqu'à la lie : Marie aussi, prosternée contre la terre, l'arrosait de ses larmes, réchauffait le cadavre glacé du vieux monde par la chaleur de son cœur, et recevait le calice offert à Jésus, que, seule et unique, elle devait boire avec lui jusqu'à la lie.
0 longue et terrible nuit ! semblable à l'orage sillonné par les foudres, qui toutes éclataient dans l'âme de Marie ! L'arrestation de Jésus, la fuite de ses disciples, le baiser de Judas, que de coups pour le cœur de cette mère de douleur !... Que cette nuit fut terrible et sanglante pour vous, ô Marie ! par quelle journée terrible et sanglante elle devait être suivie !
II.
Dès
le matin, Jésus, insulté, maltraité, fut traîné d'un juge à l'autre.
Ses accusateurs ne peuvent fournir la moindre preuve contre lui ; de sorte que l'infâme Pilate se voit obligé de déclarer son innocence. Mais l'innocent n'a point de défenseur ; ses disciples mêmes l'ont fui ; Pierre l'a renié par trois fois. Pierre a depuis pleuré son péché ; mais combien Marie ne l'a-t-elle pas pleuré !... Et cependant elle ne se hâta pas de réparer la faute de Pierre, elle n'alla pas au prétoire pour rendre témoignage à Jésus. Un seul mot de sa bouche eût peut-être calmé la fureur de la foule, eût désarmé les juges ; une parole d'une mère sainte pour un fils si saint !... Mais Marie n'a pas été rendre témoignage pour Jésus, afin de ne pas retarder notre salut. 0 Marie ! vous n'avez point de pitié
pour vous-même, ni pour votre fils ; vous n'en avez que pour nous, qui
ne sommes que vos enfants d'adoption. Vous ne voulez pas éloigner, pas
même alléger les souffrances de votre fils, et par conséquent les vôtres : « car la sanglante passion de Jésus se répétait sanglante dans votre cœur, comme dans une glace parfaitement polie ('). »
Voici Jésus condamné, condamné à mort, traîné au dernier supplice ; et voici Marie qui accourt : elle suit les traces sanglantes de son fils; elle aperçoit la
foule qui le conduit. Par un chemin détourné elle la devance pour
courir à la rencontre de son bien-aimé. Les acclamations et les cris de
joie qui naguère, à son entrée triomphale à Jérusalem, l'accueillaient
avec tant d'empressement et de spontanéité, retentissent encore pour
ainsi dire dans la cité. Hosanna au plus haut des cieux ! gloire au Fils
de David ! tout le peuple le répétait à l'envi. Marie avait assisté à
ce glorieux triomphe ; son cœur en avait été vivement touché, et
maintenant elle entend les imprécations, les injures, les blasphèmes ;
elle entend résonner les coups dont on accable Jésus succombant sous sa
croix. Elle entend son arrêt de mort proclamé avec fureur ; elle voit
les instruments de son supplice portés en triomphe ; elle voit enfin la
terrible croix, portée par une victime qui s'affaisse sous son poids,
par un juste que les passions ont condamné ; ce juste, c'est son fils...
Sa figure est inondée de sang ruisselant de dessous une couronne
d'épines. Sa poitrine est déchirée,... tout son corps couvert de
blessures... Il est méconnaissable pour tout œil humain ; mais le cœur
de mère ne pouvait le méconnaître.
Jacob,
le patriarche, avait déchiré sa robe à la vue de la robe ensanglantée
de Joseph ; il pleurait de longues années sans se consoler de la perte
de son fils. Et que devint Marie à la vue non de la robe, mais de la
personne même de Jésus, tout ensanglanté, tout meurtri et tout inondé de
son sang, s'avançant au lieu de son supplice ? Que devint Marie ? Son
âme a gémi, mais rien que son âme ; sa bouche se taisait. 0 mon fils
bien-aimé, lui disait son cœur, c'est donc pour cela que je vous ai mis
au monde ! 0 le fruit unique de mes entrailles, c'est donc pour cela que
je vous ai nourri de mon sein, que j'ai soigné votre enfance ! Où
est-elle, cette beauté divine qui brillait sur votre front ; cette
beauté ravissante que mes yeux aimaient à contempler, cette beauté
surhumaine dans laquelle s'absorbait mon âme ?
«
Il a été couvert de plaies pour nos iniquités ; il a été brisé pour nos
crimes ('). Depuis la plante des pieds jusqu'au haut de la tête il n'y a
rien de sain en lui ; ce n'est que blessure, que contusion et que plaie
enflammée qui n'a point été bandée, à laquelle on n'a point appliqué de
remède, et qu'on n'a point adoucie avec l'huile (2). » Ainsi l'avait
décrit le prophète Isaïe, et les yeux de sa mère l'ont aperçu ainsi.
Marie l'a reconnu ; et nous, le reconnaissons-nous ?
« Tel fut l'ouragan de douleur, dit saint Bernard, qu'il se précipitait de Jésus sur sa mère, et de sa mère sur Jésus. 0 connexité inconcevable ! 0 douleur incomparable (3) ! Ils n'ont fait qu'échanger de regard, et par ce regard le cœur de Jésus demanda à Marie :
« Tel fut l'ouragan de douleur, dit saint Bernard, qu'il se précipitait de Jésus sur sa mère, et de sa mère sur Jésus. 0 connexité inconcevable ! 0 douleur incomparable (3) ! Ils n'ont fait qu'échanger de regard, et par ce regard le cœur de Jésus demanda à Marie :
« Ma mère, où allez-vous ? — A la mort avec vous, mon fils, » répondit le cœur de Marie !
III.
A l'époque où Jésus remplissait de ses miracles et de ses bienfaits les régions diverses de la Palestine ; que les multitudes le suivaient et l'entouraient de leur vénération, Marie n'apparaissait pas, afin de ne pas détourner sur elle le moindre rayon de la gloire de Jésus. Mais lorsque Jésus marche au supplice, au supplice le plus ignominieux, Marie s'y montre, afin de partager avec son fils toutes les douleurs et tous les mépris.
Agar ne voulait point voir la mort de son fils: « Je ne verrai point mourir mon enfant, » dit-elle ('). Marie, au contraire, s'est dit dans son âme: « Je verrai mourir mon enfant ; » et elle suivit Jésus, qui portait sa croix, jusqu'au haut de la montagne. Elle aussi, la pauvre mère, elle portait la sienne, invisible, mais non moins lourde que celle de Jésus ; elle désirait y mourir en même temps que son fils : « Je verrai mourir mon enfant !... » Elle le suivait, « et sa douleur maternelle, dit saint Bernard, arrachait avec abondance des larmes involontaires ; tous pleuraient en la voyant (2). » Elle fut la seule qui ne pleurât pas. Elle ne se plaint ni de l'ingratitude des scribes et des pharisiens, ni de la haine des accusateurs, ni de l'iniquité des juges, ni de la cruauté des bourreaux, ni de la fureur du peuple ; elle réprime la violence de son amour maternel blessé par cette douleur sans nom ; elle retient les éclats de sa tendresse ; elle refoule au fond de son cœur déchiré par le glaive toute la tristesse qui l'accable. Elle suit Jésus dans un silence solennel, comme Abraham suivait Isaac ; elle suit Jésus, que l'on conduit à la mort ; elle le suit pour l'offrir à ce sacrifice si sanglant, et pour redoubler par sa présence la douleur de ce terrible supplice (').
III.
A l'époque où Jésus remplissait de ses miracles et de ses bienfaits les régions diverses de la Palestine ; que les multitudes le suivaient et l'entouraient de leur vénération, Marie n'apparaissait pas, afin de ne pas détourner sur elle le moindre rayon de la gloire de Jésus. Mais lorsque Jésus marche au supplice, au supplice le plus ignominieux, Marie s'y montre, afin de partager avec son fils toutes les douleurs et tous les mépris.
Agar ne voulait point voir la mort de son fils: « Je ne verrai point mourir mon enfant, » dit-elle ('). Marie, au contraire, s'est dit dans son âme: « Je verrai mourir mon enfant ; » et elle suivit Jésus, qui portait sa croix, jusqu'au haut de la montagne. Elle aussi, la pauvre mère, elle portait la sienne, invisible, mais non moins lourde que celle de Jésus ; elle désirait y mourir en même temps que son fils : « Je verrai mourir mon enfant !... » Elle le suivait, « et sa douleur maternelle, dit saint Bernard, arrachait avec abondance des larmes involontaires ; tous pleuraient en la voyant (2). » Elle fut la seule qui ne pleurât pas. Elle ne se plaint ni de l'ingratitude des scribes et des pharisiens, ni de la haine des accusateurs, ni de l'iniquité des juges, ni de la cruauté des bourreaux, ni de la fureur du peuple ; elle réprime la violence de son amour maternel blessé par cette douleur sans nom ; elle retient les éclats de sa tendresse ; elle refoule au fond de son cœur déchiré par le glaive toute la tristesse qui l'accable. Elle suit Jésus dans un silence solennel, comme Abraham suivait Isaac ; elle suit Jésus, que l'on conduit à la mort ; elle le suit pour l'offrir à ce sacrifice si sanglant, et pour redoubler par sa présence la douleur de ce terrible supplice (').
Marie
fut la première des élus; aussi la première a-t-elle suivi la voie des
élus : « Si quelqu'un veut venir après moi, dit le Christ, qu'il renonce
à soi-même, qu'il porte sa croix, et qu'il me suive (J). D Marie a
rempli la première ce précepte de Jésus ; la première elle prit sa croix
et elle suivit Jésus pour mourir avec lui. « La mère portait aussi sa
croix, dit l'abbé Guillaume, et elle suivait Jésus pour être crucifiée
avec lui (3). » Cet exemple sublime doit nous apprendre, comme l'observe
saint Jean Chrysostôme, « que la croix de Jésus-Christ, sans que nous y
ajoutions la nôtre, ne suffit pas à notre salut (4). » Et comme Jésus
nous montre le chemin du ciel en montant au Calvaire, Marie nous montre
le chemin de Jésus en le suivant avec sa croix par le chemin de la
croix. En suivant ainsi Jésus, Marie nous demande si nous voulons les
suivre.
Oui,
oui, ô Marie ! je voudrais vous suivre, mais je ne le pourrai sans
votre assistance ! O Marie ! par la douleur que vous avez soufferte en
suivant Jésus portant sa croix, obtenez-moi la grâce de vous suivre,
portant jusqu'à ma mort toute croix qu'il plaira à Dieu dans sa
miséricorde de m'envoyer pour mon salut. Vous avez porté votre croix,
vous si sainte, si innocente! et moi, qui tant de fois ai mérité les
peines de l'enfer, oserai-je encore me plaindre de ma croix, et rendre
par là plus lourde la vôtre, ô Jésus ! et la vôtre, ô Marie ! Non, non,
qu'il n'en soit pas ainsi !
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