Le mois de Marie
ou méditations sur sa vie, ses gloires et sa protection
Source : Livre "Le mois de Marie ou méditations pour chaque jour du mois sur sa vie, ses gloires et sa protection" par Aleksander Jełowicki
POUR LE 31e JOUR DU MOIS
POUR LA FÊTE DE NOTRE-DAME DU SECOURS DES CHRÉTIENS. (24 mai)
LÉGENDE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Le
peuple chrétien a souvent éprouvé le prompt secours de la Vierge mère
de Dieu, combattant par des moyens miraculeux les ennemis de la foi.
Voici pourquoi, après la célèbre victoire des Chrétiens, remportée sur
les Turcs aux îles Echinades, le saint Père Pie V ajouta aux invocations
des litanies de la très-sainte Vierge celle de Secours des Chrétiens.
Mais entre les faits mémorables et vraiment miraculeux, il faut compter
surtout la délivrance du Souverain Pontife Pie VII, lequel, chassé du
siège apostolique de Pierre par le complot et les armes des impies,
impitoyablement gardé en prison, particulièrement à Savonne, pendant
plus de cinq ans, en butte à une persécution sans exemple dans les
siècles passés, et privé de toute communication nécessaire pour
gouverner la sainte Église, s'est trouvé soudainement, et d'une manière
inattendue, rendu au siège apostolique, aux acclamations universelles,
et porté, pour ainsi dire, sur les bras du monde entier. Et le même fait
s'est encore renouvelé une deuxième fois, lorsque, forcé de céder à
l'orage, le même Pape, accompagné du Sacré Collège, quitta la sainte
ville pour se réfugier en Ligurie. Mais, grâce à la visible protection
de Dieu, le terrible orage qui menaçait le monde s'évanouit sous la main
divine, et le saint Pontife rentra à Rome au milieu des cris
d'allégresse de tous les peuples ; après avoir précédemment (d'après le
vœu par lequel il s'était engagé en prison) couronné solennellement, de
ses propres mains, l'image de la Sainte-Vierge, vénérée sous le nom de
la Mère de Miséricorde, à Savonne. Or, Pie VII, parfaitement au courant
de tout ce qui concernait sa délivrance, l'attribuait uniquement à la
protection de la Très Sainte Mère de Dieu, dont il implorait lui-même le
secours, invitant aussi tous les chrétiens à la même prière. C'est pour
ces raisons qu'il ordonna de célébrer annuellement, en l'honneur de la
Sainte-Vierge, sous l'invocation de Notre-Dame du Secours des Chrétiens,
une fête solennelle le 24e du mois de mai, jour anniversaire de sa
rentrée dans la ville sainte. Il institua aussi pour ladite fête un
Office propre, afin que de cette manière puissent durer perpétuellement
et la mémoire toute particulière d'un pareil bienfait et les actions de
grâces de la sainte Église (').
I.
«
Nous vous avons offensé !... et il n'y a personne qui s'élève vers vous
et qui vous retienne ('). C'est ainsi que le Prophète Isaïe s'adressait
à Dieu, du milieu du peuple coupable, craignant pour lui un châtiment
justement mérité. Et nous aussi nous sommes un peuple coupable ; et nous
aussi nous méritons les plus sévères châtiments de Dieu ; et nous aussi
nous serions obligés de nous lamenter ainsi avec le Prophète, si nous
n'avions point Marie. « Avant Marie, dit saint Bonaventure, il n'y avait
personne qui eût pu s'élever pour arrêter le bras du Seigneur prêt à
punir ; mais Marie arrête son fils et l'empêche de frapper les pécheurs
('). » C'est donc Marie qui est tout notre espoir et toute notre
défense. Et voilà pourquoi le même saint désirant le salut de tous, nous
invite tous à glorifier Marie : « Écoutez-moi, vous tous, nous dit-il,
qui désirez le royaume de Dieu ! glorifiez la vierge Marie, et vous
trouverez le salut éternel (2). » Et saint Jean Damascène, dans l'extase
de son zèle pour le salut des âmes, s'écrie : « Le peuple qui ne sert
point Marie périra ! Les peuples qui se privent du secours d'une telle
mère, se privent du secours de son Fils et de toute la cour céleste (3).
»
En
vérité, celui qui ne glorifie pas Marie, et qui ne sert point Marie, ne
saurait espérer de secours ni des hommes, ni des anges, ni de Dieu
lui-même ; car tout son amour incommensurable pour nous, toute son
inépuisable miséricorde et sa grâce toute puissante, Dieu l'a déposé
entre les mains de Marie, afin qu'elle s'en serve pour nous récompenser
des honneurs que nous lui rendons, des témoignages de confiance que nous
lui exprimons. Ainsi, la récompense pour ce que nous faisons en
l'honneur de Marie, c'est Dieu lui-même, avec toute sa puissance, toute
sa bonté et tout son amour ; car servir Marie, c'est servir Dieu par
Marie. Et c'est pourquoi le même saint, en nous engageant au service de
Marie, nous dit : « Le plus grand des honneurs c'est de servir Marie et
d'appartenir à sa cour ; car servir Marie, c'est régner ; et se laisser
conduire par elle, c'est plus que régner ('). » Et c'est bien vrai, car
cette reine du Ciel et de la terre sert elle-même tous ses fidèles
serviteurs , et tient entre ses mains toutes les couronnes et toutes les
récompenses, tous les honneurs et toute la gloire des élus de Dieu.
N'avons-nous
pas nous-mêmes reçu de ces services de Marie, et aux jours de notre
innocence, et aux jours de notre pénitence ? N'avons-nous pas éprouvé
nous-mêmes que Marie est le secours des chrétiens ? — Servons-la donc
fidèlement, et de nouveau elle se hâtera de nous secourir, et de nouveau
elle nous relèvera de tous nos péchés, de toutes nos misères et de
toutes nos peines.
Saint
Basile a justement nommé Marie l'hôpital pour toutes nos souffrances et
toutes nos misères. — « Dieu, dit-il, nous a ouvert un hôpital public
dans Marie. Ayons donc confiance et, sans hésiter, adressons-nous à
Marie dans tous nos besoins, invoquons toujours Marie : car Dieu veut
qu'elle soit notre secours en toute chose ('). »
0
Marie ! Dieu vous a donné à nous tous pour médecin ; car nous sommes
tous malades et très malades. Détruisez donc tous nos péchés, guérissez
toutes nos faiblesses, car vous le voulez et vous le pouvez. Vous
attendez seulement que nous nous reconnaissions pour malades, que nous
désirions sincèrement recouvrer la santé, et que nous nous réfugiions
avec amour vers vous, ô notre mère ! Nous voici donc prosternés à vos
pieds ! Voyez notre misère et notre faiblesse. Le péché nous accable et
nous brise ! Relevez-nous, sauvez-nous ! ô notre mère ! « Sauvez-nous,
nous périssons (2) ! »
II.
«
Marie est l'étoile de la mer, dit saint Thomas, car, de même que
l'étoile guide les navigateurs vers le port, de même Marie guide les
fidèles serviteurs de Jésus-Christ vers la gloire (3). »
«
Marie est l'échelle du ciel, dit saint Pierre Damien, car c'est par
elle que Dieu est descendu du ciel, afin que les hommes puissent par
elle monter au ciel ('). »
Dans
les ténèbres de cette vie, Marie éclaire les justes, pour qu'ils ne
s'écartent pas du bon chemin ; elle éclaire les pécheurs, pour qu'ils le
retrouvent ; et elle nous éclaire tous de la lumière qui lui vient de
Dieu. «Elle est belle comme la lune (2). » «Comme la lune, dit saint
Bonaventure, tient le milieu entre le soleil et la terre, et ce qu'elle
reçoit du soleil elle le répand sur la terre : de même Marie est la
médiatrice entre Dieu et nous, et répand sur nous la grâce qu'elle
reçoit de Dieu (3). »
Marie est la porte du ciel. « Aucune grâce, dit saint Bernard, n'arrive du ciel sur la terre, que par les mains de Marie (4). »
Marie
« est comme le vaisseau d'un marchand qui apporte de loin son pain (5).
» Ce pain, c'est Jésus-Christ, comme il l'a dit lui-même : « Je suis le
pain vivant qui suis descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain,
il vivra éternellement ('). » Qui donc nous a apporté ce pain du ciel,
si ce n'est Marie !
Marie
est l'arche d'alliance qui renfermait la véritable manne, c'est-à-dire,
Jésus-Christ. Et comme à la vue de l'arche contenant la manne, les murs
de Jéricho se sont écroulés ; de même à la vue de Marie, à l'invocation
de Marie, s'écroulent et s'abîment toutes les puissances de l'enfer. «
Le démon s'enfuit, tout l'enfer tremble, lorsque je m'écrie : Je vous
salue, Marie (2) !
«
Marie est l'arche d'alliance, dit saint Bernardin de Sienne (3). »
Saint Jean l'Évangéliste a vu dans l'Apocalypse un arc-en-ciel entourant
le trône de Dieu : « Et il y avait autour de ce trône un arc-en-ciel
(4). » « Cet arc-en-ciel, c'est Marie, qui adoucit les jugements et les
arrêts de Dieu contre les pécheurs (5). » — « Et l'arc sera dans les
nuées, et, en le voyant, je me souviendrai de l'alliance éternelle (6), »
a dit le Seigneur. — « Aussi en voyant Marie intercédant pour nous, dit
saint Bernard, Dieu nous remet nos péchés et renouvelle son alliance
('). »
C'est
à Marie que s'adressent ces paroles du Cantique : « Menez paître vos
chevreaux près des tentes des pasteurs (2). » C'est-à-dire,_ ramenez les
pécheurs à l'église de Dieu, afin que ces chevreaux deviennent des
agneaux.
«
Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, » a dit
Jésus-Christ. Marie aussi ne vient pas chercher les justes, mais les
pécheurs : car, comme a dit le Seigneur, « ce ne sont pas ceux qui se
portent bien, mais les malades, qui ont besoin de médecin (3). »
0
Marie ! vos trésors sont nos trésors, et le baume de votre vertu et de
votre gloire, c'est le baume pour nos plaies. Et, puisque vous êtes le
Secours des Chrétiens, vous êtes nécessairement aussi le secours des
pécheurs, car qui pourrait se relever du péché sans votre secours ? — 0
Marie ! vous êtes le secours des justes et le secours des pécheurs, afin
que vous nous ameniez tous, par la grâce de Dieu et par le chemin de la
véritable pénitence, de la terre de l'exil dans notre véritable patrie.
— 0 Marie ! ô ma mère ! c'est ainsi que je crois, c'est ainsi que je
désire, et c'est ce que, tout misérable pécheur que je suis, j'attends
et j'espère de vous !
III.
«
Celui qui est ami aime eu tout temps ('). » Ce sont probablement ces
paroles du Sage qui ont fait dire à Innocent III : « 0 Marie! vous êtes
la Lune de la nuit, l'Aurore du matin et le Soleil du jour (2) ! » Marie
nous aime en tous temps : elle nous aime la nuit, c'est-à-dire quand
nous sommes dans le péché ; le matin, c'est-à-dire quand nous faisons
pénitence ; et au grand jour, c'est-à-dire lorsque nous marchons dans la
voie de la justice. En tout temps elle nous éclaire, pour nous indiquer
les voies du Seigneur, et en tout temps elle le fait par amour pour
nous. C'est à cause de cet amour qu'elle nous dit, par la bouche du Sage
: « Heureux celui qui m'écoute, qui veille tous les jours à l'entrée de
ma maison, et qui se tient à ma porte. Celui qui m'aura trouvée
trouvera la vie, et il puisera le salut du Seigneur. Mais celui qui
péchera contre moi, blessera son âme. Tous ceux qui me haïssent aiment
la mort (3). »
Il
est vrai, ô Marie ! que celui qui vous aura trouvée trouvera la vie
éternelle, et que celui qui vous hait, hait Dieu, et il trouvera la mort
éternelle. 0 Marie !
Vous
haïr ? Oh ! que cette parole me saisit d'effroi ! Vous haïr ! Mais cela
se pourrait-il ? Haïr Dieu !..; Serait-ce donc possible ? Rien qu'à
cette idée l'enfer s'entr'ouvre, avide de nos âmes ; et les démons,
semblables aux oiseaux de proie, tombent sur les cœurs cadavres qui ne
vous aiment point !... Mais nous, ô Marie ! « semblables aux petits
poussins qui, à la vue du milan, se cachent sous les ailes de leur mère,
à la vue de Satan nous nous réfugions sous votre manteau de mère (l). »
0
Marie ! nous nous écrions vers vous, avec saint Augustin : « Vous êtes
l'unique espérance des pécheurs ; car c'est par vous que nous espérons
la rémission de tous nos péchés (2). » — « Nos iniquités ont fait une
séparation entre nous et notre Dieu (3). » Réconciliez-nous donc, ô
Marie ! réconciliez-nous si bien avec Dieu, que votre Fils bien-aimé
nous dise : « Vous êtes mes amis (4). » Mais à quoi nous servirait cette
réconciliation si désirable et si heureuse, si nous allions jamais la
perdre ? Conservez-nous-la donc à tout jamais. Nous attendons de vous
cette dernière grâce, cette grâce éternelle avec toute confiance, car,
comme l'a dit saint Bernard : « C'est en vous que les pécheurs trouvent
le pardon, et les justes la grâce pour l'éternité ('). »
0
mère de l'amour ! vous nous aimez en tout temps. 0 Marie ! en tout
temps secourez-nous ; en tout temps maintenez-nous dans votre amour et
dans l'amour de votre Fils, jusqu'au jour de l'éternité ; afin qu'au
jour du jugement, en nous voyant tous rangés à vos pieds, les élus et
les anges eux-mêmes, frappés d'étonnement, s'écrient en vous bénissant : «
0 Marie, c'est par vous que les pécheurs ont cherché Dieu, et les voilà
sauvés (2) ! »
Et
que vous dirai-je, à vous, ô Jésus ! que vous dirai-je en faisant ces
méditations sur votre Mère, ces soupirs vers elle, et par elle vers vous
? Que vous dirai-je, ô Jésus ! ô mon doux Jésus ! Pénétré de foi,
d'espérance et d'amour, admirant votre promesse, que vous ne nous
laisseriez pas orphelins, en vous adorant et en vous rendant grâces, je
m'écrierai du fond de mon cœur : O Jésus ! ô mon doux Jésus ! en nous
donnant votre Mère pour Mère, vous nous avez bien tenu parole !
Vive Jésus ! vive Marie !
Si
en parcourant ce petit livre, retraçant les merveilles de la
miséricorde de Jésus et de Marie, vous vous êtes senti plus d'amour pour
Dieu, et par conséquent plus de compassion pour votre prochain, vous ne
refuserez pas l'aumône de vos prières à l'auteur de ce livre, qui vous
la demande très humblement et très instamment, en s'appropriant cette
prière de saint Augustin, pleine de larmes et de confiance :
«
Inspirez, ô Seigneur, à vos serviteurs et à vos enfants, mes frères et
mes maîtres, que je voudrais servir et de ma voix et de ma plume et de
tout mon cœur ; inspirez à tous ceux qui liront ces lignes, qu'ils
daignent se souvenir au pied de vos autels de Honorée votre servante et
de Vinceslas jadis son mari, dont vous vous êtes servi pour me donner la
vie, et de mon frère Édouard issu du même sang ; afin que ce qu'ils
m'ont demandé en quittant cette terre, leur soit plus abondamment acquis
dans les prières de plusieurs. »
PRIÈRE DE L'ACTEUR À LA TRÈS-SAINTE VIERGE.
O
Marie, mère de Jésus-Christ. Vous qui avez si amèrement pleuré la mort
de votre Fils, et qui de vos larmes avez adouci les nôtres, recevez mes
actions de grâce de ce que vos douleurs ont soulagé les miennes ; et
soyez bénie de ce que, en me faisant composer ce petit livre et me
tenant ainsi constamment à vos pieds tout le temps de mon grand deuil
après la perte de ma mère et de mon frère chéri, vous m'avez rempli de
consolations et d'espérances éternelles. Soyez donc bénie, vous qui êtes
notre Vie, notre Douceur et notre Espérance ! Soyez toujours bénie, et
faites que tous ceux qui liront ces lignes vous bénissent toujours. Je
remets entre vos mains mon corps et mon âme, afin que vous les sauviez.
Je remets entre vos mains tout le bien que j'ai reçu de vous, afin que
vous me le conserviez et que vous l'augmentiez toujours. Je remets aussi
entre vos mains ce petit livre que vous m'avez donné, afin que vous le
déposiez avec son auteur aux pieds de Jésus. Ainsi soit-il.
FIN.
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