Le mois de Marie
ou méditations sur sa vie, ses gloires et sa protection
Source : Livre "Le mois de Marie ou méditations pour chaque jour du mois sur sa vie, ses gloires et sa protection" par Aleksander Jełowicki
POUR LE 21ème JOUR DU MOIS.
DE L'ESPÉRANCE DE MARIE.
I.
«
Je suis la Mère de la science et de la sainte espérance ('). » Marie
est la mère de la science, c'est-à dire de la foi ; elle est aussi la
mère de l'espérance, qui suit la foi. « L'espérance, dit saint Alphonse
de Liguori, naît de la foi ; car c'est par la foi que Dieu nous inculque
la connaissance de sa bonté et de ses promesses, afin que nous nous
élevions par l'espérance au saint désir de la possession de Dieu. » Plus
notre foi sera profonde, complète, vive et simple, plus notre espérance
sera profonde, complète, vive et simple. Et comme Marie, possédant au
plus haut degré toutes les qualités de la vraie foi, règne sur tous les
fidèles, elle règne aussi par la même raison sur tous ceux qui espèrent ;
et voici pourquoi l'Église l'appelle « Mère de l'espérance, » selon les
paroles du Sage du Seigneur : «Je suis la mère de la science et de la
sainte espérance. » ;
L'espérance
est la première conséquence et la première application de la foi. Par
la foi nous acquérons la connaissance de Dieu ; par l'espérance nous
nous attachons à Dieu, dont nous avons acquis la connaissance, selon
cette expression du Psalmiste : « Mon bonheur est de m'attacher à Dieu,
et de mettre mon espérance dans le Seigneur mon Dieu('). »
Il
est facile d'avoir de la foi en connaissant la foi de Marie ; car si
Marie, avant la résurrection de Jésus, croyait à sa résurrection parce
qu'elle croyait à sa divinité, il nous est bien plus facile de croire à
la divinité de Jésus-Christ après sa résurrection. Il en est de même de
l'espérance : si Marie, avant la résurrection de Jésus avait une
espérance si vive que, debout près de la croix, elle a pu sans défaillir
contempler son fils mourant, qu'y a-t-il donc de difficile pour nous
après la résurrection du Seigneur, de venir, forts de notre espérance,
au pied de la croix, non pour y pleurer et nous lamenter, mais au
contraire pour nous réjouir de nos souffrances, comme nous l'apprend
l'Apôtre, lorsqu'il dit : « Réjouissez-vous dans l'espérance ; soyez
patients dans les maux (2). » Celui qui espère en Dieu se réjouit dans
sa patience, car Dieu sera sa patience comme il est son espérance. «
Vous êtes, Seigneur, ma patience, dit le Psalmiste : Seigneur, vous êtes
mon espérance dès ma jeunesse (3). »
L'autre
source de l'espérance de Marie, c'était son humilité : humilité la plus
profonde, par laquelle reconnaissant qu'elle n'était rien, ne
s'attachant à rien, ne s'appuyant sur rien, si ce n'est sur Dieu, elle
s'abîmait en Dieu par l'espérance, et demeurait en Dieu dès le temps
qu'elle eut quitté le sein de sa mère, dès sa plus tendre jeunesse, en
redisant avec le Psalmiste : « Vous avez été mon espérance dès que j'ai
quitté les entrailles de ma mère, dès le temps que je suçais encore ses
mamelles ('). » Aussi, dès son enfance appuyée sur Dieu, Marie n'est
jamais tombée ; elle n'a même pas vacillé. Elle était en sécurité au
milieu des périls, calme dans les fatigues, forte dans les douleurs ;
elle s'avançait par un chemin semé d'épines comme sur des fleurs, pour
se tenir debout au pied de la croix.
«
Quelle est celle qui monte du désert toute remplie de délices, appuyée
sur son bien-aimé (2) ? » C'est Marie, l'épouse du Saint-Esprit,
s'avançant dans le désert du monde et remplie de délices au milieu des
tourments d'une vie toute hérissée de glaives ; elle s'avance d'un pas
sûr, sans blesser son pied contre la pierre du scandale, car elle est
appuyée sur Dieu, car elle monte de vertu en vertu et de gloire en
gloire, en redisant dans son cœur : « C'est mon bonheur de demeurer
attachée à Dieu et de mettre mon espérance dans le Seigneur ! »
II.
L'espérance
de Marie a été forte et persévérante. Elle avait voué sa chasteté à
Dieu ; et cependant, pour suivre la volonté de Dieu, elle a épousé
Joseph, dans la ferme espérance que Dieu lui donnerait, dans la personne
de Joseph, un gardien de sa chasteté.
L'Ange
annonçait à Marie une chose inouïe, inconcevable ; il lui annonçait
qu'elle serait mère de Dieu. Elle reconnaissait son néant ; cependant,
confiante dans l'espérance que Dieu remplira sa promesse, elle répondit :
« Qu'il me soit fait selon votre parole ('). »
Elle
voyait Joseph affligé de sa grossesse ; cependant elle ne lui révéla
point le mystère de l'incarnation ; confiante dans l'espérance que Dieu
lui-même éclairera et consolera Joseph, et qu'il la couvrira contre
l'atteinte du soupçon.
L'époque
de l'enfantement de Jésus approchait : cependant Marie, sur l'ordre
d'Hérode, se rendit à Bethléem, dans l'espérance que Dieu ne la quittera
pas au jour de l'accouchement. Et les anges la servirent dans l'étable
de Bethléem ; les bergers et les rois vinrent rendre hommage à l'enfant
et à sa mère.
Sur
l'ordre de Dieu, révélé à Joseph, Marie, tenant Jésus dans ses bras,
quitta son pays au milieu de la nuit, pour se rendre dans une contrée
lointaine, barbare, idolâtre ; elle se rendit sans assistance, sans
pain, au milieu des ennemis ; mais elle s'y rendit en toute sécurité,
car elle avait mis son espérance en Dieu ; elle avait confiance qu'il la
nourrirait, elle et son enfant, qu'il les garderait et qu'il les ferait
rentrer dans leur pays. Elle souffrait donc dans la patience, elle
travaillait dans la joie.
Lorsqu'elle
eut perdu Jésus, sa douleur fut inexprimable ; mais son espérance
égalait sa douleur : aussi a-t-elle cherché et retrouvé Jésus.
Quand,
aux noces de Cana, Marie dit à Jésus que les époux manquaient de vin,
et que son fils lui répondit sèchement : « Femme, qu'y a-t-il entre vous
et moi ? mon heure n'est pas encore venue ('). » Marie hâta cette heure
par la force de son espérance, en disant à ceux qui servaient : «
Faites tout ce qu'il vous dira (2). » Et le Christ honora l'espérance de
Marie par son premier miracle, en changeant à l'instant l'eau en vin le
plus délicieux.
Mais
c'est surtout au pied de la croix, en voyant l'agonie de son fils, que
Marie a prouvé la plus parfaite espérance. L'Écriture sainte nous dit,
en parlant de la mère des Machabées, qui était la figure de Marie : «
Cependant leur mère, plus admirable qu'on ne peut dire, et digne de
vivre éternellement dans la mémoire des bons, voyant périr en un même
jour ses sept enfants, souffrait constamment leur mort, à cause de
l'espérance qu'elle avait en Dieu (3). » Mais que dire de la sainte
espérance de Marie !... Elle qui voyait la terrible passion de Jésus, et
son supplice ignominieux, et son abandon de Dieu ; elle qui entendit
sortir de la bouche du Sauveur cette plainte lugubre et saisissante, ce
cri suprême capable de glacer toute âme de terreur : « Mon Dieu ! mon
Dieu ! pourquoi m'avez-vous abandonné (')? » Elle ne perdit point
l'espérance ; malgré l'abandon de Dieu , elle n'abandonna pas son Dieu.
Elle le tint serré dans les bras de l'espérance, et sous la croix, comme
près du sépulcre, elle était certaine qu'au jour et à l'heure marqués
par lui, elle le verrait ressusciter, glorieux et assis à la droite de
Dieu. Et c'est ici que se vérifia parfaitement en Marie cette parole de
Job : « Quand Dieu me tuerait, je ne laisserais pas d'espérer en lui
(*). »
Par
la force de cette espérance, Marie dissipait les doutes des disciples,
fortifiait le courage des martyrs, et raffermissait la sainte Eglise
pour tous les siècles à venir, en lui laissant comme héritage son
espérance dans toutes les promesses de Jésus-Christ. Et voici pourquoi
la sainte Église la nomme son espérance (3) !
III.
tf
Ainsi, étant justifiés par la foi, dit saint Paul, ayons la paix avec
Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur, qui par la foi nous a donné aussi
entrée à cette grâce en laquelle nous demeurons fermes, et nous nous
glorifions dans l'espérance de la gloire des enfants de Dieu. Et non
seulement, mais nous nous glorifions encore dans les afflictions,
sachant que l'affliction produit la patience, la patience l'épreuve, et
l'épreuve l'espérance. Or cette espérance n'est point trompeuse... Ce
n'est qu'en espérance que nous sommes sauvés..., prenant pour cuirasse
la foi, et pour casque l'espérance du salut ('). » Oh ! que
n'endossons-nous chacun cette armure !
La
moindre adversité nous abat, car nous ne possédons pas la sainte
espérance ; nous nous fions aux hommes ; nous faisons encore plus mal,
nous nous fions à nous-mêmes, et nous ne nous fions pas à Dieu. Voici
pourquoi nous succombons : « Ceux-là se confient dans leurs chariots, et
ceux-ci dans leurs chevaux ; mais, pour nous, nous aurons recours à
l'invocation du nom du Seigneur notre Dieu ('). » Et nous serons sauvés.
«
Machabée espérait toujours avec une entière confiance que Dieu ne
manquerait point de lui envoyer son secours (2). » Et ce secours lui
arriva.
«
Le Seigneur est fidèle dans toutes ses paroles. Le Seigneur est proche
de tous ceux qui l'invoquent en vérité, » dit le Psalmiste (3). «
Demeurons fermes et inébranlables dans la profession que nous avons
faite d'espérer, puisque celui qui nous l'a promis est très fidèle dans
ses promesses (4). »
Il
a promis de nous affermir dans le bien et de nous préserver du mal, dit
l'Apôtre: « Dieu est fidèle, et il vous affermira et vous défendra
contre le malin esprit (5). »
Il
a promis de nous aider à remplir tous les devoirs de notre vocation : «
Celui qui vous a appelés est fidèle, et c'est lui-même qui le fera
(")... »
Il
a promis de nous assister dans nos tentations, afin que nous puissions
en sortir victorieux : l'Apôtre nous l'atteste, quand il nous dit : «
Dieu est fidèle, et il ne souffrira pas que vous soyez tentés au delà de
vos forces ('). »
Il
a promis aux pécheurs qui se repentent et font pénitence de leur
pardonner tous leurs péchés, si nombreux et si graves qu'ils soient :
saint Jean l'Évangéliste nous l'annonce, quand il dit : « Si nous
confessons nos péchés, il est fidèle et juste, il nous les remettra, et
nous purifiera de toute iniquité (2). »
Il
nous a promis, enfin, le ciel en récompense de nos souffrances ; car
voilà ce qu'il dit par la bouche de son Evangéliste : « Ne craignez rien
de ce qu'on vous fera souffrir... Soyez fidèles jusqu'à la mort, et je
vous donnerai la couronne de vie (3). »
Et
c'est la certitude de ces promesses qui fait dire à l'Apôtre : que «
l'espérance sert à notre âme comme d'une ancre ferme et assurée, et qui
pénètre jusqu'au dedans du voile (4), » c'est-à-dire, jusqu'au
sanctuaire de la miséricorde divine.
0
Marie ! mère de la sainte espérance ! vous en qui nous mettons notre
confiance, attachez nos cœurs à cette ancre par le lien de la foi, et
faites luire votre propre espérance, comme une étoile qui nous guidera,
qui nous conduira à travers les ténèbres du temps, à travers la tempête
de cette mer orageuse de la vie, jusqu'au jour éternel, jusqu'au port du
salut. « En vous, dit le Saint-Esprit, est toute la grâce de la voie et
de la vérité. En vous toute l'espérance de la vie et de la vertu ('). »
C'est donc à vous, ô Marie ! que nous nous adressons pour obtenir la
vertu de l'espérance, vertu par laquelle nous mettrions une confiance
salutaire dans la miséricorde de Dieu, par laquelle nous apprendrions à
mépriser le monde et nous-mêmes, pour ne compter que sur la force qui
nous vient de Dieu, d'après les paroles du Psalmiste : « Il est bon de
se confier au Seigneur plutôt que de se confier dans l'homme (2) ; »
d'après les paroles de votre fils : «Vous ne pouvez rien faire sans
moi(3), » et d'après celles de son Apôtre : « Je puis tout en celui qui
me fortifie (4). » Et qu'ainsi, toujours prêts à remplir la volonté de
votre fils, nous ne nous découragions jamais, mais que nous redoublions
nos efforts et nos travaux, en disant avec le prince des apôtres : «
Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre ; mais
néanmoins, sur votre parole, je jetterai le filet (5). »
Obtenez-nous,
Marie, l'espérance qui ne vous a jamais abandonnée, afin que nous
soyons diligents dans l'accomplissement de nos devoirs, patients dans
les adversités, forts dans les dangers et vaillants dans le combat : «
Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrai-je ? Le Seigneur
est le défenseur de ma vie, qui pourra me faire trembler ? Quand des
armées seraient campées contre moi, mon cœur ne serait point effrayé
('). Le Seigneur est mon soutien, et je mépriserai mes ennemis (2).
C'est en vous, Seigneur, que j'ai mis mon espérance, ne permettez pas
que je sois confondu pour jamais (3). »
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