Le mois de Marie
ou méditations sur sa vie, ses gloires et sa protection
Source : Livre "Le mois de Marie ou méditations pour chaque jour du mois sur sa vie, ses gloires et sa protection" par Aleksander Jełowicki
POUR LE 30ème JOUR DU MOIS
POUR LA FÊTE DE NOTRE-DAME DES NEIGES.
(5 août)
(5 août)
LÉGENDE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Du
temps du pape Libère, le patricien Jean, Romain, et sa femme non moins
noble, n'ayant point d'enfants auxquels ils dussent laisser l'héritage
de leur fortune, la léguèrent à la Sainte-Vierge, mère de Dieu, la
suppliant, par des prières ferventes, qu'elle daignât les informer à
quel usage particulier il lui plairait de voir consacrer cet argent.
Leurs prières et leurs vœux étant bien sincères, la bienheureuse Marie
les exauça et les approuva par un miracle. Dans la nuit du 5 août, à
l'époque des plus grandes chaleurs à Rome, la butte de l'Esquilin fut
couverte de neige. Et dans la même nuit la Sainte Vierge apparut
séparément, en songe, à Jean et à sa femme, et leur recommanda de bâtir
une église sous l'invocation de la Vierge-Marie, à l'endroit même qui
fut couvert de neige ; leur faisant comprendre, que c'est ainsi qu'elle
voulait devenir leur héritière. Jean le rapporta au Pape Libère, qui en
fut aussi informé en songe. Au milieu donc des prières solennelles du
clergé et du peuple, le Pape se rendit sur la butte couverte de neige,
et y traça l'emplacement de la future église, qui fut d'abord construite
avec l'argent de Jean et de sa femme, et ensuite restaurée par Sixte
III. Cette église avait porté différents noms, tantôt on l'appelait
Basilique Libérienne, tantôt Sainte-Marie de la Crèche. Mais comme il y
avait à Rome plusieurs églises du nom de la Vierge Marie, pour que la
prééminence de cette Basilique, si célèbre par ce miracle, fût constatée
par sa dénomination, on l'appela Sainte-Marie-Majeure. Et la mémoire de
sa consécration est annuellement célébrée le jour même de cette neige
miraculeuse (').
I.
«
J'aime ceux qui m'aiment ('). » Ces paroles du Saint-Esprit, concernant
la Sagesse, sont appliquées par la sainte Église à Marie, qui est le
Siège de la Sagesse. Puisque Marie, comme nous l'avons vu, nous aime,
malgré nos péchés, et que, par cet amour, elle n'a point hésité, à
l'exemple du Père Éternel, de sacrifier son fils à la mort, et à la mort
de la croix ; puisque Marie aime ceux-là mêmes qui rejettent son
indicible amour, qui ne cherchent point leur salut dans le sang de son
fils, qui, au contraire, le foulent aux pieds d'une manière sacrilège,
et renouvellent toujours, par leurs péchés, la passion du Sauveur ;
puisque Marie ne méprise aucun pécheur, et qu'elle les poursuit tous de
son amour : oh ! combien donc cette mère de l'amour aime-t-elle ceux qui
l'aiment ! Cet amour de Marie ne se laisse point concevoir par ceux-là
mêmes qui l'éprouvent ; et ils ne peuvent que redire, dans l'extase de
leur bonheur, ces paroles de saint Bonaventure : « Bienheureux ceux qui
aiment Marie de tout leur cœur ! bienheureux ceux qui la servent (') ! »
Et pourquoi bienheureux ? C'est que Marie, comme l'observe le
bienheureux Raymond Jourdan, « ne se contente pas d'aimer ceux qui
l'aiment, elle sert encore ceux qui la servent ('). »
Qui
a trouvé Marie a trouvé tout le bien. « Tous les biens me sont venus
avec elle : et j'ai reçu de ses mains des richesses innombrables (2).
Ceux qui l'aiment la découvrent aisément, et ceux qui la cherchent la
trouvent. Elle prévient ceux qui la désirent et elle se montre à eux la
première. Celui qui veille dès le matin pour la posséder n'aura pas de
peine, parce qu'il la trouvera assise à sa porte (3). » Ces paroles
concernant la Sagesse donnent aussi la plus exacte image de Marie. Car
quelle est la grâce dont pourrait manquer celui qui aime Marie ? Quel
est celui que Marie n'ait prévenu de sa protection et de son amour ?
Quel est celui qu'elle n'attende pas au seuil de sa porte ? Quel est le
cœur auquel elle ne vienne frapper ? A quel appel n'accourt-elle pas ? A
quelle demande ne répond-elle pas ? Quel est enfin celui qui, l'ayant
cherchée, ne l'ait pas trouvée ; et même sans la chercher ne l'ait
rencontrée, tantôt dans une sainte inspiration, tantôt dans un bon
conseil, tantôt dans un secours extraordinaire ? De combien de miracles
n'a-t-elle pas prouvé sa maternelle vigilance sur nous qui sommes ses
enfants ?
Parmi
les innombrables miracles d'amour et de protection de Marie, celui de
Notre-Dame des Neiges brille d'un éclat tout particulier ; et la sainte
Église, pour en perpétuer la mémoire dans les cœurs de tous les enfants
de Marie, et leur retracer l'amour de Marie pour tous ceux qui l'aiment,
célèbre ce miracle par une fête particulière. Tout le peuple de Rome et
le Pape lui-même fut témoin de ce miracle, et la plus magnifique
Basilique du monde, érigée eh l'honneur de Marie, en est le monument.
II.
Par
ce miracle, universellement connu sous le nom de Notre-Dame des Neiges,
et dont nous célébrons la mémoire avec grande joie et grande espérance,
Marie nous enseigne plusieurs vérités importantes.
1°
Marie nous apprend, parce miracle, combien lui sont agréables la
concorde, l'amour et la sainteté conjugales ; comme furent celles du
patricien Jean et de son épouse. Elle nous apprend, par conséquent que,
faute de concorde, d'amour et de sainteté, les époux ne sauraient lui
plaire ; or, ceux qui ne plaisent point à Marie ne plaisent point à
Dieu. Malheur donc aux époux querelleurs, infidèles ou impies !
2°
Marie nous apprend, par ce miracle, que la stérilité des époux n'est
plus un signe de la défaveur divine ; et que, par conséquent, les époux
stériles n'en doivent point s'affliger outre mesure ; qu'ils doivent
rendre grâce à Dieu tout aussi bien de leur stérilité que de leur
fécondité, en se remettant toujours avec joie à la volonté divine ; et
que, dans toutes leurs peines et dans toutes leurs afflictions ils
trouveront toujours une consolation dans Marie, qui est la Consolatrice
des affligés.
3°
Ce miracle nous apprend, que nous devons donner à Marie une partie de
notre héritage terrestre, si nous voulons avoir notre part dans son
héritage céleste. Les lois civiles elles-mêmes constituent les parents
héritiers de leurs enfants, qu'ils laissent une postérité ou non. Il est
donc de toute justice, qu'enfants de Marie, nous laissions à la
disposition de cette Mère à nous une partie de notre fortune, en la
suppliant de nous faire connaître le charitable usage auquel il lui
plairait de la destiner.
4°
Marie nous apprend par ce miracle, que la construction des églises est
une œuvre très agréable à Dieu, car c'est une œuvre très charitable, en
ce sens qu'elle contribue puissamment à la gloire de Dieu et au salut
des âmes. C'est dans les églises que les pécheurs obtiennent la
miséricorde, les indigents l'aumône, les affligés la consolation, les
cœurs agités le calme, et tous les malheureux le bonheur de la paix
qu'on ne retrouve qu'aux pieds des autels.
5°
Marie nous apprend, par ce miracle, qu'elle peut tout faire pour nous
soulager ; et que, s'il ne lui était pas difficile de couvrir la terre
de neige au milieu des chaleurs de l'été, de même il lui sera facile,
pourvu que nous le lui demandions sincèrement, de nous obtenir la faveur
d'être revêtus de la robe de l'innocence plus blanche que la neige, et
de nous préserver par sa fraîcheur des chaleurs brûlantes du inonde, de
Satan et de notre propre chair.
6°
Nous apprenons enfin par ce miracle, et c'est pour nous un grand sujet
de joie et de consolation ; nous apprenons, dis-je, que toute offrande
faite à Marie, aussi bien que celle que l'on fait à Dieu, ne sera jamais
oubliée ; car, de même qu'en signe de récompense éternelle, la mémoire
de l'offrande de sainte Madeleine, qui a versé des parfums sur les pieds
de Jésus, sera transmise d'âge en âge jusqu'à la fin des siècles ; de
même la mémoire de l'offrande que ces pieux époux ont avec leurs cœurs
déposée aux pieds de Marie, sera à jamais célébrée dans le monde
chrétien.
III.
0
Marie ! nous aussi nous sommes prêts à vous tout offrir. Mais est-ce
par amour pour vous, ou bien par amour de nous-mêmes ? Est-ce pour
glorifier votre nom, ou bien pour obtenir de vous quelque avantage
temporel ?
Descendons
au fond de notre cœur et demandons-nous à nous-mêmes, si ce que nous
voulons offrir à Marie est digne de lui être présenté, et si les
sentiments de notre cœur sont ceux que doivent avoir ses enfants ? Car,
pour que notre offrande soit agréable à Marie, il faut, avant tout,
qu'elle lui soit présentée par un cœur qu'elle reconnaisse être celui de
son enfant. « Quiconque se trouve dans l'état du péché mortel, dit
saint Pierre Chrysologue, n'est pas digne de s'appeler enfant d'une
telle mère ; car celui qui ne fait pas les œuvres de sa mère, la renie
(') » Et celui dont les œuvres sont contraires aux œuvres de Marie, dit
saint Alphonse de Liguory, prouve par là, qu'il ne veut pas être compté
parmi les enfants de cette mère si sainte et si adorable. Marie est
humble, et son enfant saurait-il être orgueilleux ? Marie est toute
chaste, et son enfant saurait-il être libertin ? Marie est toute amour,
et son enfant saurait-il haïr, et haïr son prochain ?
«
Les enfants de Marie, dit Richard, sont ceux qui l'imitent dans sa
chasteté, dans son humilité, dans sa douceur, dans sa miséricorde (2). »
Voici les enfants que Marie ne reniera pas, auxquels elle se montrera
toujours mère, et dont elle acceptera les offrandes, riches ou pauvres,
sans distinction ; car Marie, de même que Jésus, ne regarde point à la
grandeur du don, mais à la grandeur de l'amour et à la pureté du cœur
qui lui offre ce don. Elle obtient un miracle, plutôt que de laisser des
enfants dignes de son amour privés de conseil, de secours et de
consolation ; car elle les admet tous à la participation de toutes ses
richesses, de grâce sur la terre, et de gloire au ciel.
Chacun
de nous peut devenir un tel enfant de Marie, pourvu qu'il le veuille ;
car Marie « ne méprise aucun pécheur, comme une bonne mère ne méprise
point son enfant lépreux ; car Marie se rappelle bien que c'est pour les
pécheurs que Dieu en a fait la mère de miséricorde. Et là où il n'y
aurait point de misère, la miséricorde ne saurait y trouver de place
('). »
0
Mère de miséricorde ! nous nous adressons donc à vous, en vous disant
avec vos élus, Basile, Éphrem, Fulgence, Bernard : « Vous êtes, après
Dieu, notre unique espoir. Salut donc, ô espoir de mon âme ! salut, ô
protection la plus assurée des chrétiens ! salut, ô refuge des pécheurs !
salut, ô tour de David, qui êtes le salut du monde, salut ! Le ciel et
la terre auraient depuis longtemps croulé, si votre prière ne les
soutenait (2). Soutenez-nous donc toujours, ô clémente ! ô
miséricordieuse ! ô douce vierge Marie ! O clémente envers ceux qui sont
dans la misère, miséricordieuse envers ceux qui vous invoquent, douce
envers ceux qui vous aiment ! O clémente envers ceux qui se relèvent du
péché, miséricordieuse envers ceux qui s'avancent dans la vertu, douce
envers ceux qui demeurent en Dieu ! 0 clémente en nous délivrant ! ô
miséricordieuse en nous gratifiant ! ô douce en vous donnant à nous (3) !
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