Le mois des âmes du purgatoire : 20 novembre
Source : Livre "Mois des âmes du purgatoire ou méditations, prières et exemples pour le mois de novembre"
XXe JOUR
Troisième moyen de soulager les âmes du purgatoire. La souffrance.
Heureux ceux qui souffrent.
Ier Point. Il est un moyen de secourir les âmes du purgatoire qui n'est pas moins puissant que celui de l'aumône et que Dieu a mis à la portée de tous, du pauvre comme du riche, du petit comme du grand ; ce moyen est la souffrance ; et quel est celui qui n'a rien à souffrir ici-cas ? Quel est celui qui soit à l'abri des douleurs physiques ou des douleurs morales ? Hélas ! la souffrance est universelle, elle s'attache à tous les corps, elle pénètre dans toutes les âmes, elle torture tous les cœurs. Le riche, sous les lambris dorés de sa somptueuse demeure, n'est pas plus à l'abri de ses atteintes que le pauvre sous son toit de chaume ; elle s'attache à l'enfant et au jeune homme, à l'homme fait comme au vieillard. Personne ne peut se soustraire à ses atteintes, parce que c'est par elle que Dieu purifie le monde et qu'il sauve les âmes ; mais dans son immense amour, ce Dieu de bonté veut que rien ne nous soit aussi salutaire, aussi réellement utile que les afflictions, les épreuves auxquelles il ne nous soumet jamais que dans des vues de miséricorde sur nous.
Nos souffrances, nos peines soit de corps, soit de cœur, sont pour nous des occasions
de mérites que nous serions bien coupables de perdre par nos
impatiences, nos plaintes et nos murmures contre la Providence. Chaque
jour nous pouvons acquérir de nouveaux trésors pour le ciel,
augmenter la somme de bonheur qui nous y est réservée, car c'est tous
les jours que nous avons à souffrir quelques peines, soit dans le corps,
soit dans l'âme. Mais la souffrance n'est pas seulement méritoire, elle
est aussi satisfactoire ; elle sert à l'expiation de nos fautes, si
nous l'acceptons avec résignation et si nous la supportons avec
patience.
Le mérite
de la souffrance comme celui de toutes les bonnes œuvres que nous
pouvons faire nous est personnel, il est incommunicable, et Dieu n'a pas
permis que nous puissions nous en dépouiller en faveur de personne,
parce qu'il nous est indispensable pour assurer notre bonheur éternel. Le grand apôtre nous dit que chacun moissonnera ce qu'il aura semé, et dans le cinquième chapitre de sa seconde épître aux Corinthiens , il dit : « Il faut que nous comparaissions tous devant le tribunal de Jésus-Christ, afin que chacun reçoive la récompense ou le châtiment, selon qu'il aura fait le bien ou le mal pendant qu'il était revêtu de son corps. » C'est donc une vérité de foi que nous ne serons admis à la gloire du ciel que d'après nos mérites seulement, et non pas d'après les mérites d'autrui.
Nos
souffrances, nous l'avons dit, ne sont pas seulement méritoires, elles
sont aussi essentiellement satisfactoires. La satisfaction nous, sommes
libres de la conserver pour nous-même et de l'offrir à Dieu pour nos
propres péchés, mais nous pouvons aussi la transporter à un autre pourvu
que l'âme en faveur de laquelle nous nous en désaisissons soit en état
de grâce. Or, les âmes du purgatoire sont
dans cette condition ; non-seulement elles possèdent la grâce de Dieu,
mais elles y sont confirmées, elles ne peuvent plus la perdre, c'est
encore là un article de notre foi. Nous pouvons donc transporter à ces
saintes âmes nos satisfactions, et payer les dettes qu'elles ont contractées envers la justice de Dieu ; si nous le faisons nous brisons les liens qui les retiennent en purgatoire, et nous leur ouvrons les portes du ciel auquel elles aspirent avec tant d'ardeur.
Mais
n'oublions pas que pour que nos souffrances soient méritoires pour nous
et qu'elles soient satisfactoires, soit pour nous, soit pour les
autres, il est nécessaire que nous soyons en état de grâce, car dans
l'état du péché mortel il est impossible
de mériter et de satisfaire à la justice de Dieu pour soi-même, et bien
moins encore pour les autres. C'est là la doctrine de saint Thomas. Quel
malheur ne serait-ce pas pour nous de perdre par notre faute le mérite
de tant de souffrances, de tant de sacrifices qui sont inévitables dans
la vie et qui, supportés avec résignation, accomplis avec courage, nous
font acquérir d'immenses trésors pour le ciel
si nous sommes en état de grâce, et peuvent même nous en ouvrir les
portes aussitôt après notre mort, si nous les supportons avec une
parfaite conformité à la volonté de Dieu qui nous les impose.
Oh ! qu'il est triste de penser qu'une multitude de pauvres pécheurs dont la vie n'est pas plus à l'abri que celle des justes, des souffrances, des épreuves et des afflictions, en perdent absolument tout le mérite,
parce qu'ils vivent dans l'inimitié de Dieu. Quelles que soient leurs
douleurs, leurs peines soit morales, soit physiques, aucune d'elles ne
leur sera jamais comptés, tout est perdu, tout est inutile pour eux, et
les souffrances qu'ils endurent en ce monde ne les exempteront pas de
celles que la justice de Dieu leur infligera dans l'autre. Demandons
donc à Dieu, qui ne les éprouve que dans sa miséricorde, et que pour les
forcer en quelque sorte à revenir à lui, de dessiller leurs yeux, de
toucher leurs cœurs et de leur faire comprendre au plus tôt le tort irréparable qu'ils font à leur âme.
Quant à ceux qui ont le bonheur
de posséder la grâce de Dieu, qu'ils la conservent avec soin, qu'ils se
réjouissent dans leurs souffrances en pensant à la magnifique
récompense qui en sera le prix, et qu'ils ne laissent rien perdre des précieux trésors que Dieu met chaque jour entre leurs mains.
IIe Point. Lorsque nous possédons la grâce de Dieu, nous pouvons, comme nous venons de le dire, satisfaire à la justice de Dieu pour les âmes du purgatoire par nos souffrances, soit que nous nous en imposions de volontaires, soit que nous offrions en leur faveur celles que la Providence nous ménage. Les souffrances volontaires que nous pouvons nous imposer et offrir à Dieu à leur intention, sont le jeûne et toutes les pratiques de pénitence autorisées par l'Eglise. Si nous n'avons pas le courage de nous astreindre à des pratiques de pénitence que notre lâcheté nous fait ordinairement regarder comme au-dessus de nos forces, ayons au moins le courage d'accomplir celles qui nous sont imposées par l'Eglise et qui, par là même, sont obligatoires pour nous, à moins que de graves motifs de santé ne nous en dispensent.
Mais si nous n'avons pas la force de jeûner et de pratiquer aucune austérité en faveur des âmes du purgatoire, quel est celui qui peut dire qu'il n'a pas la force de pratiquer pour elles le jeûne
spirituel et de s'imposer en leur faveur quelques petites
mortifications, quelques légers sacrifices. Ainsi vous ne pouvez pas
jeûner ; mais vous pouvez dans un repas vous priver d'un mets qui
flatterait votre goût et votre sensualité. Vous ne pouvez pas vous
livrer à des veilles qui altéreraient
votre santé, mais si vous êtes parfois privé de sommeil vous pouvez
offrir à Dieu vos insomnies pour ces saintes âmes, vous pouvez vous priver pour elles de la vue des objets qui satisferaient votre curiosité, faire le sacrifice
d'une lecture qui vous ferait plaisir, d'un concert qui charmerait vos
oreilles. Enfin, vous pouvez pardonner une injure, vous en venger par un
bienfait. Toutes ces choses sont faciles, il ne faut qu'un peu de bonne
volonté pour les faire, et toutes cependant sont de véritables moyens
de satisfaire à la justice de Dieu pour les âmes qui nous sont chères.
Si ce moyen de soulager les âmes du purgatoire est
encore au-dessus de votre courage, la Providence vous en fournit
d'autres auquels il n'est pas en notre pouvoir d'échapper, et que nous
serions inexcusables de laisser perdre, et pour nous et pour les autres.
Ces moyens, nous l'avons déjà dit, sont les souffrances qui ne sont pas
de notre choix et qui, par cela même, n'en sont que plus méritoires. Ce sont les afflictions, les épreuves, les peines de corps et de cœur, inévitables dans la vie. Hélas ! nous le savons, on en trouve partout, dans tous les états, dans toutes les conditions ; tantôt l'épreuve descend du ciel, tantôt elle monte de l'enfer. Dieu nous l'envoie, ou bien il permet à l'esprit du mal
de nous éprouver par la tentation. Non, non, les occasions de souffrir
ne nous manquent pas, c'est nous qui manquons d'en faire un saint usage
et qui, par nos impatiences, par nos murmures, abusons d'une des plus précieuses grâces que Dieu nous accorde pour notre salut.
Tout
est tour à tour pour nous une occasion de souffrances. Tantôt nous
souffrons dans notre esprit, qui est sans cesse ballotté par les vagues
toujours flottantes de nos pensées, pensées que nous devons souvent
combattre pour échapper au mal, et qui parfois nous poursuivent avec
d'autant plus d'acharnement et de persistance, que nous les repoussons
avec plus de force et de constance. D'autres fois ce sont des pensées tristes qui portent le trouble dans notre imagination, le découragement et l'abattement dans notre âme. Nous souffrons également du changement bizarre de nos désirs, de l'inconstance de notre volonté, des ténèbres qui si souvent obscurcissent notre intelligence.
A
combien de douleurs notre corps n'est-il pas sujet ? à combien de
misères, d'infirmités, nos sens, dont chacun nous est si précieux, ne
sont-ils pas exposés ? Nous pouvons perdre la vue, l'ouïe ; nous sommes
tantôt péniblement affectés par les répugnances de l'odorat, par celles du goût, par les impressions douloureuses de l'attouchement ; puis, en avançant
dans la vie, nos forces s'épuisent, notre vigueur s'éteint, nous
décroissons, nous vieillissons, et notre corps ressemble à une mine dont
chaque jour fait tomber une pierre, jusqu'à ce que le souffle de la mort le renverse entièrement. Enfin nous avons encore à souffrir de l'inclémence des saisons, de la rigueur du froid, ou des brûlantes chaleurs de l'été ; nous sommes exposés aux orages, aux désastres par le désordre des éléments, en un mot à tous les maux que peuvent subir des êtres mortels et corruptibles. *
Notre vie sur la terre, on peut le dire
avec vérité, n'est qu'une longue et continuelle douleur. Devons-nous
nous en plaindre ? Non, puisque toutes nos peines peuvent devenir pour
nous, si nous le voulons, des sources de mérites et de vertus que Dieu couronnera un jour de sa gloire et de sa propre félicité.
Toute
notre vie est une souffrance ; mais sachons faire de cette souffrance
un moyen de salut pour nous et pour les autres ; servons-nous-en pour
soulager la plus cruelle de toutes les douleurs, celle que subissent les
saintes âmes du purgatoire. La faim, la soif, le froid, le chaud,
les travaux, la lassitude, les maladies nous font tour à tour sentir
leurs douloureuses atteintes ; jetons tout cela dans l'un des plateaux de la balance de la justice de Dieu, et mettons dans l'autre les âmes de nos morts ; nos souffrances l'emporteront, et de plus, par le même mouvement, elles élèveront au ciel les âmes que nous aimons.
Mais surtout n'oublions pas que le chrétien
en état de grâce est un membre vivant de Jésus-Christ qui lui
communique son esprit et sa vie. Celui qui demeure dans mon amour, dit le Sauveur,
demeure en moi et je demeure en lui. D'après cela, nos souffrances, nos
bonnes œuvres ne doivent plus être considérées comme des œuvres
humaines ; il faut les regarder comme divinisées par l'influence de
Jésus-Christ, qui souffre et agit alors en nous, et ces souffrances et
ces œuvres, qui, par leur union avec celles de notre adorable Sauveur,
deviennent en quelque sorte les siennes, ne nous méritent pas seulement
une éternelle participation à la gloire de Dieu, elles acquièrent encore
une vertu capable de satisfaire à sa justice, soit pour nous, soit pour
les autres.
PRIÈRE.
Soyez
béni, ô mon Dieu, qui avez voulu que les souffrances, que les peines
incessantes dont notre vie est semée deviennent pour nous une source si
abondante de mérites et un moyen de satisfaire à votre justice pour les âmes que
nous aimons. Désormais, ô mon Dieu, loin de nous plaindre de la
pesanteur de nos croix, de la multiplicité de nos afflictions, de la
longueur de nos infirmités, nous les regarderons comme des marques de votre amour, comme des grâces
de choix et un signe de prédestination ; loin d'en murmurer, nous les
supporterons avec patience, avec résignation, heureux si à l'aide de
votre grâce nous pouvions arriver à les aimer et à les supporter avec
joie. Nous les unirons toujours à celles de notre divin Sauveur, puisque
cette union seule peut les rendre méritoires, et nous vous supplierons de les accepter pour l'expiation des âmes qui
nous sont si chères et qui n'ont pas encore acquitté tout ce qu'elles
doivent à votre justice. Daignez , Seigneur, abaisser sur nous et sur
les âmes pour lesquelles nous vous offrons nos souffrances, un regard de miséricorde. Ainsi soit-il.
EXEMPLE.
On lit dans les Annales de la Visitation, de Dijon, le trait suivant :
La
sœur Marie-Bernarde Chicolier, qui s'est élevée à une si haute
sainteté, fut prévenue, dès ses jeunes années, de grâces particulières ;
elle conçut de bonne heure le dessein de se consacrer à Dieu. Elle fut admise au saint habit et à la sainte profession sous le gouvernement de notre mère Anne-Liduvine Boulier. La mère Chahu, qui lui succéda, soutint cette chère sœur au milieu des grandes
épreuves par lesquelles il plut au Seigneur de la faire passer. En
effet, Dieu imprima dans son cœur l'horreur la plus vive pour les
moindres imperfections, en permettant qu'une âme du purgatoire lui
apparût et lui fût en quelque sorte toujours présente. Notre mère, à
qui cette chère sœur découvrit ce qu'elle souffrait, la fit examiner par
M. Chaudot, notre supérieur, et par le R.
P. Jaquinot, provincial de la Compagnie de Jésus, lesquels jugèrent,
après un sérieux examen, qu'il n'y avait en cela ni illusion ni
imagination. Il fut donc décidé que la communauté ferait célébrer un
grand nombre de messes et réciterait tous les jours un De profundis
pour le repos de cette âme, et que la sœur Chicolier aurait la liberté de faire des pénitences
particulières à cette intention. Cette chère sœur pratiqua de grandes
austérités, offrant d'ailleurs pour cette âme toutes ses bonnes œuvres,
qui étaient en grand nombre, et ne se permettant pas un seul mouvement
naturel ni la plus légère satisfaction. Le prêtre
chargé de célébrer les messes était un religieux capucin d'une grande
sainteté, qui ignorait complétement ce qui s'était passé. Il vint un
jour trouver notre mère Ghahu, et l'assura que l'âme pour laquelle elle
faisait prier depuis longtemps était entrée en possession de la gloire du ciel. (Mois consolateur des âmes du purgatoire, par le R. P. Huguet.)
PRATIQUE.
0ffrir aujourd'hui toutes nos peines, soit de corps, soit de cœur ou d'esprit, pour le soulagement des âmes du purgatoire.
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