Le mois des âmes du purgatoire : 24 novembre
Source : Livre "Mois des âmes du purgatoire ou méditations, prières et exemples pour le mois de novembre"
XXIVe JOUR
Les indulgences, sixième moyen de soulager les Âmes du purgatoire.
Tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel.
Ier Point. A la mort de Jésus, son âme sainte, empressée de jouir des fruits de la rédemption, descendit aux limbes aussitôt qu'elle fut séparée de son corps pour consoler, réjouir par sa divine présence les âmes des justes captives depuis tant de siècles, et soupirant après le divin Libérateur qui devait leur ouvrir les portes du ciel fermées par le péché d'Adam. Mais ce ne fut qu'au jour de sa glorieuse Ascension que Jésus, impatient de contenter son amour pour elles, emmena avec lui au ciel ces saintes âmes et les mit en possession du bonheur qu'il venait de nous acheter à un si haut prix.
Le cœur sacré de Jésus a-t il oublié, en montant au ciel, les âmes que dans son infinie prescience il prévoyait devoir, dans la suite des siècles, subir les douloureuses expiations du purgatoire ? Ah ! son cœur n'a rien oublié, son amour a pourvu a tout ; il a laissé à son Église le trésor de ses mérites, avec le pouvoir de l'ouvrir en leur faveur et de les y faire participer aussi largement qu'elle le voudra. Jésus ne veut pas être seulement la gloire et le bonheur de l'Église triomphante, l'appui, le guide de l'Église militante, il veut être encore l'espoir, le consolateur
de l'Église souffrante, et son cœur, comme celui d'une mère, s'incline
vers elle avec une tendresse d'autant plus grande qu'il la voit plus
affligée.
L'Église, aussi tendre et dévouée à tous ses enfants, ouvre en leur faveur ce trésor inépuisable des mérites de son divin Époux ; elle ne l'ouvre pas seulement en faveur des vivants, mais aussi en celle des morts ; son cœur s'émeut à la pensée des souffrances de ces âmes qu'elle
a portées dans son sein, nourries de sa foi, de ses saints
enseignements, et qui lui sont d'autant plus chères qu'elle les sait
dans la peine et dans la douleur. Aussi voyons-nous que presque toutes
les indulgences accordées aux fidèles par les souverains Pontifes sont
applicables aux âmes du purgatoire. Ils
semblent par là vouloir, non pas seulement seconder notre charité pour
nos frères souffrants, mais encore nous engager à nous oublier
quelquefois pour eux en leur cédant les indulgences que nous pourrions
gagner pour nous-mêmes.
"Nous
pouvons considérer cette multitude d'indulgences que l'Église, dans sa
maternelle sollicitude, nous prodigue avec tant de libéralité comme une
pluie merveilleuse avec laquelle nous pouvons éteindre les flammes du purgatoire. Aucune comparaison ne me parait plus propre à exprimer la nature et les effets des indulgences, car de même qu'il n'y a pas d'eau qui éteigne plus promptement la flamme des incendies que celle de la pluie qui tombe des nues, il n'y a pas de grâce avec laquelle nous puissions aussi facilement éteindre le feu du purgatoire qu'avec les indulgences qui nous viennent du Ciel.
Il
y a entre les pluies naturelles et les indulgences de mystérieux
rapports. Dieu a ses réservoirs d'où il tire les eaux qui forment les
nues et qui retombent sur la terre pour la rafraîchir et la fertiliser.
Ces réservoirs sont l'océan, les lacs, les fleuves et les fontaines.
Dieu a également ses trésors, d'où il tire les grâces qu'il répand sur les âmes pour
les purifier et pour les sauver. Ce sont d'abord les mérites de
Jésus-Christ, semblables à un océan sans limites et sans fond ; ce sont
ensuite les mérites de la sainte Vierge et des saints, pareils à des lacs, à des fleuves, à des fontaines.
Pour comprendre toute la richesse du trésor des indulgences, il faut comprendre avant tout la valeur des satisfactions qui le composent. Or quel n'est pas le prix, le mérite des satisfactions de Jésus-Christ ? Considérons-les d'abord par rapport à la dignité de sa personne. Jésus-Christ est le fils
de Dieu ; il est Dieu lui-même ; sa dignité est infinie, par conséquent
toutes ses satisfactions, toutes ses œuvres ont un mérite, une valeur
infinie. Supposez qu'une infinité d'hommes et d'anges aient commis
contre Dieu, pendant des siècles et des siècles, des crimes
sans nombre, une seule larme de Jésus-Christ offerte à son Père en
réparation de ces crimes suffirait et au delà pour satisfaire à sa
justice. En versant cette larme, Notre-Seigneur rendrait à son Père
infiniment plus de gloire que la multitude des anges et des hommes ne lui en auraient été en l'outrageant pendant des siècles.
Accumulons
maintenant tous les travaux, toutes les fatigues de la vie publique de
notre divin Sauveur, toutes les privations, toutes les humiliations de
sa vie cachée à Nazareth, toutes les souffrances, les ignominies de sa
douloureuse Passion, les fouets, les épines, les clous, la croix. la
mort et toutes les tortures de l'âme et du corps qu'il a bien voulu subir, et jugeons, si nous le pouvons, de la valeur de ces satisfactions ; elles sont infinies.
0r il est certain que les satisfactions divines n'ont jamais été entièrement appliquées, qu'elles ne le seront
même jamais, puisque la source est inépuisable". 0n ne peut supposer
qu'elles soient inutiles, Dieu ne saurait permettre que de pareils biens
fussent perdus ; nous devons croire qu'il les tient en réserve comme un
trésor de grâces que l'Église a le pouvoir d'ouvrir à ses enfants, par le moyen des indulgences, pour les soulager dans leurs besoins.
IIe Point. Les mérites du Sauveur, ses satisfactions, voilà la première source des indulgences : il y en a d'autres encore, ce sont les satisfactions de la sainte Vierge et des saints. La Mère de Dieu, par un privilège spécial, a été, nous le savons tous, préservée de la souillure originelle. Non-seulement nous le savons, mais nous croyons de cœur, nous adhérons avec bonheur à ce privilège si glorieux pour noire divine Mère, devenu maintenant un dogme de notre foi, et nous répétons avec une sainte joie l'éloge que lui donne le Saint-Esprit : Vous êtes toute belle, ô ma bien-aimée ! et il n'y a point de tache en vous. Et cependant Marie, quoique exempte de tout péché, n'a pas été exempte de douleurs ; ses souffrances ont surpassé celles de tous les saints. Elle a donc offert à la justice divine d'immenses satisfactions, non pour elle, puisqu'elle était immaculée, et que n'ayant contracté aucune tache pendant sa longue vie, elle ne pouvait avoir aucune peine à subir.
Oui pourrait dire ce qu'ont été les douleurs de la très-sainte Vierge pendant la passion de son divin Fils ? Contemplons-la sur le Calvaire Elle aime Jésus plus qu'aucune mère n'aima jamais son enfant, et elle le voit attaché par d'énormes clous à un infâme gibet, la tète couronnée d'épines, le corps
couvert de meurtrissures et de blessures saignantes. Elle l'entend se
plaindre de la soif, et non-seulement elle ne peut pas approcher de ses
lèvres desséchées un breuvage rafraîchissant, mais elle le voit abreuvé de fiel et de vinaigre. Elle entend les insultes, les railleries amères des scribes et des chefs de la nation, qui se rient des douleurs de l'adorable victime. Enfin elle suit avec ce regard si intelligent des mères,
qui devinent toutes les angoisses, toutes les souffrances de leurs
enfants, toutes les phases de l'agonie de son divin Fils, elle s'associe
à l'abandon, au délaissement dont Jésus endure toutes les horreurs, et
quand elle lui voit rendre le dernier soupir, le glaive que le saint vieillard Siméon avait fait briller à ses yeux dans le temple s'enfonce tout entier dans son cœur.
Toutes
les douleurs de la sainte Vierge étaient satisfactoires, et puisque
pour elle-même elle n'a pas besoin de satisfaction, seront-elles donc
perdues ? Ah ! gardons-nous de le penser. Dieu ne laisse pas perdre des biens
aussi précieux et auxquels il attache un si haut prix ; il les a joints
aux satisfactions de son divin Fils, pour augmenter encore le trésor de ses indulgences.
Ce
n'est pas tout encore. Un grand nombre de saints ont vécu dans la plus
parfaite innocence, et malgré leur pureté angélique, ont passé cependant
par les plus rudes épreuves, ont enduré des souffrances
de tous genres, et se sont condamnés eux-mêmes à toutes les rigueurs de
la plus austère pénitence. Combien de jeunes vierges ont subi le martyre,
combien d'apôtres se sont dévoués, qui avaient depuis longtemps
satisfait à la justice divine pour leurs péchés ! Qu'est devenue la
surabondance de tant de satisfactions ? A-t-elle été perdue ? Non, elle
avait trop de valeur pour que Dieu ne songeât pas à la recueillir.
Est-elle restée inutile ? Non encore ; elle avait trop de puissance pour
que Dieu la laissât sans action. Elle est entrée aussi au trésor des indulgences.
Elle est venue se mêler aux satisfactions de l'homme-Dieu et à celles
de sa sainte Mère, et puisque les riches et les pauvres, les justes et
les pécheurs, les saints du ciel et les saints de la terre, et les saints du purgatoire, ne
forment qu'une seule Église, sont les membres d'un même corps, ne
faut-il pas qu'il y ait communion entre eux, qu'ils participent
réciproquement aux biens qu'ils peuvent produire. Oui, il est juste que
les satisfactions surabondantes des uns subviennent à la nécessité des autres.
Nous
voyons donc que, comme l'Océan, les fleuves, les lacs, les fontaines,
sont les sources d'où sortent les pluies naturelles, de même les
satisfactions de Jésus-Christ, de la sainte Vierge et des saints sont les sources d'où sortent les pluies célestes des indulgences.
Pour
poursuivre jusqu'au bout notre comparaison, disons que de même qu'il y a
diversité de pluies, il y a aussi diversité d'indulgences. Il y a des pluies qui sont universelles, d'autres qui ne sont que particulières. Il en est encore de même des indulgences : les unes sont pour tous les fidèles, les autres sont particulières à une partie des fidèles. Il y a des pluies
abondantes qui pénètrent et abreuvent la terre, il y en a d'autres
moins fortes qui ne font qu'humecter sa surface. C'est une image de nos
indulgences plénières et de nos indulgences partielles. Les premières
remettent toute la peine due aux péchés confessés et pardonnés, les
secondes n'en remettent qu'une partie.
Il y a des pluies qui submergent tout et produisent des inondations. Alors les cataractes du ciel
s'ouvrent, les mers et les fleuves se confondent et couvrent d'immenses
étendues de pays. Elles sont la figure de nos jubilés universels, où le souverain
Pontife ouvre les sources sacrées et fait pleuvoir les grâces en
abondance, c'est-à-dire les indulgences pour purifier les âmes et les sauver. Ces jours de jubilé sont réellement des jours de salut. Alors les péchés réservés jusque là sont absous, le choix des confesseurs est libre, les pénitences extraordinaires sont remises, toutes les satisfactions du Sauveur coulent à flots sur l'Église ; il n'y a plus dans le sein de l'Épouse immaculée du Christ que des miséricordes, des faveurs,
que d'immenses pardons pour chacun de ses enfants. Enfin les pluies et
les indulgences se ressemblent dans leurs effets. Les pluies fécondent
la terre, elles lui donnent sa parure et ses richesses. Elles se
changent en blé dans le froment, en vin dans le raisin,
en fruits dans les fleurs de l'arbre, en éclat et en parfum dans les
fleurs. Les indulgences n'opèrent pas moins de prodiges : elles
deviennent la consolation de ceux qui pleurent, le rafraîchissement de ceux qui sont altérés, le courage
de ceux qui languissent, la guérison de ceux qui sont malades. Elles
font plus encore, elles peuvent pénétrer jusque dans l'éternité, et, si
nous le voulons, nous pouvons les faire descendre jusque dans les brûlants abîmes du purgatoire. Alors elles se changeront, pour les âmes auxquelles
nous les appliquerons, en souveraine béatitude. Les douleurs de
Jésus-Christ, qui leur sont appliquées par les indulgences, acquittent
tout ce qu'elles doivent à la justice divine. Les épines de sa couronne
se changent pour elles en diadème de gloire, ses larmes deviennent leur
rançon ; les clous, la lance qui l'ont percé deviennent les clefs qui
ouvrent la porte de l'abîme où elles sont ensevelies, pour les en
délivrer. Ne serions-nous pas inexcusables de priver ces saintes âmes d'un secours si précieux, et qu'il nous est si facile de leur procurer ?
PRIÈRE.
Soyez béni, ô adorable Sauveur ! d'avoir laissé à votre Église le pouvoir
d'appliquer à ses enfants les fruits surabondants de votre passion et
de votre mort, d'avoir voulu qu'au trésor infini de vos satisfactions et
de vos mérites viennent encore s'ajouter les satisfactions de notre
divine Mère et des saints». Vous connaissiez notre indigence, la profondeur de nos misères, ô mon Jésus ! et dans l'excès de votre miséricorde,
vous en avez eu pitié, et vous avez voulu que nous trouvassions en vous
de quoi suppléer à tout ce qui nous manque. Comment, ô mon Sauveur !
eussions-nous jamais pu nous acquitter des dettes
que nous avons contractées envers la justice de votre Père, si vous
n'étiez venu à notre aide en soldant vous-même les dettes que nous
étions dans l'impuissance de solder ? Hélas ! chaque jour nous en
contractons de nouvelles, et notre faiblesse est si grande qu'à peine
purifiés nous nous souillons de nouveau. Mais vous la connaissiez, cette
faiblesse, ô mon Jésus ! et votre amour a su trouver encore le remède de notre fragilité, en inspirant à votre Église de nous ouvrir, par le moyen des indulgences, le trésor
de vos satisfactions ; de nous les accorder si nombreuses, si
multipliées, que nous puissions y puiser chaque jour, non seulement pour
nous, mais aussi pour les âmes des fidèles trépassés auxquelles la plupart des indulgences que nous pouvons gagner sont applicables. Les souffrances de ces saintes âmes,
ô mon Dieu ! sont bien grandes, et pour les soulager nous voulons
souvent oublier nos propres besoins, pour les faire jouir d'un bien dont
pour elles-mêmes elles ne peuvent plus avoir la jouissance. Daignez,
Seigneur, ne pas avoir égard à notre indignité et leur accorder les
indulgences que nous nous efforçons de gagner et que nous vous offrons
pour elles. Ainsi soit-il.
EXEMPLE.
Sainte Marie-Madeleine de Pazzi avait, avec une grande
charité, assisté à ses derniers moments une sœur de son 0rdre qui était
parvenue à un grand degré de perfection. Les religieuses s'étaient
empressées de réciter, non-seulement les offices ordinaires, mais elles
lui avaient appliqué toutes les indulgences qu'elles avaient pu gagner
dans la journée. Le corps était encore exposé dans l'église, et de la grille où elle se tenait, Marie-Madeleine le regardait avec des sentiments de tendresse en priant pour le repos
de la défunte. Tout à coup elle vit l'âme resplendissante de lumière
sortir de cette froide dépouille, et s'élever au ciel pour y recevoir la
couronne de gloire. La sainte ne put s'empêcher de crier : « Adieu,
sœur, adieu ; âme bienheureuse qui entrez dans le ciel avant que votre corps soit déposé dans la tombe, souvenez-vous, dans les embrassements du céleste
Époux, de nous qui soupirons sur la terre ! » A ces paroles, Jésus,
pour la consoler, lui apparut et lui dit que cette âme avait été si
promptement délivrée du purgatoire par la vertu des saintes indulgences. Depuis lors, la dévotion aux indulgences devint telle dans le monastère, qu'on se serait fait scrupule d'en négliger une seule. (Vie de sainte Madeleine de Pazzi, 1.l, ch. 39.)
PRATIQUE.
Ne laisser perdre par notre faute aucune des indulgences que nous pouvons gagner et les offrir à Dieu pour le soulagement des âmes du purgatoire.
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