Le mois des âmes du purgatoire : 11 novembre
Source : Livre "Mois des âmes du purgatoire ou méditations, prières et exemples pour le mois de novembre"
XIe JOUR
Nous pouvons et nous devons soulager les âmes du purgatoire.
Heureux les miséricordieux, parce qu'ils obtiendront miséricorde.
Ier Point. Ce ne sont pas seulement les suffrages universels de l'Église militante qui peuvent être utiles aux saintes âmes du purgatoire. Dieu, dans son infinie bonté, communique à chacun de ses membres le pouvoir qu'il a donné à l'Église tout entière ; il consent à se laisser fléchir par chacun d'eux, et il permet, si je puis ainsi m'exprimer, que le plus petit, le plus faible d'entre nous, puisse, quand il le veut, arrêter son bras vengeur et le désarmer. Sa justice, il est vrai, a marqué le nombre d'heures, de jours et même d'années que doit durer leur expiation, mais il nous a laissé le pouvoir de l'abréger. Il les a condamnées à un feu qui les brûle, mais il a mis à notre disposition des cœurs qui peuvent l'éteindre ; il a enfermé ces saintes âmes dans une obscure prison ; mais il a remis entre nos mains la clef qui peut la leur ouvrir.
Quelle joie, quelle consolation pour vous, âmes affligées,
pour vous qui pleurez un père, une mère, un époux, un enfant bien-aimé.
Ah !_séchez vos larmes, consolez-vous, vous pouvez encore leur donner des preuves
de votre dévouement, de votre amour, vous pouvez être leurs anges
consolateurs et leurs libérateurs. Captifs de la justice de Dieu, ceux
que vous aimiez attendent votre secours, ils l'implorent et l'espèrent
de votre affection. Hâtez-vous donc, venez briser leurs chaînes ; fils,
ouvrez à votre père, à votre mère ; épouse, ouvrez à votre époux ; mère,
ouvrez à votre enfant les portes de leurs prisons enflammées, afin que
libres de s'envoler au ciel, ces âmes qui vous sont si chères vous puissent en quelque sorte vous devoir leur bonheur.
Que n'avez-vous pas fait autrefois, que n'avez-vous pas sacrifié pour le bonheur
de ces êtres si tendrement aimés ; que ne faisiez-vous pas pour les
consoler dans leurs peines, pour alléger et adoucir leurs plus légères
souffrances ? Que n'eussiez-vous pas donné dans leur dernière maladie
pour les soustraire à la mort qui les menaçait ? Ah ! vous n'eussiez
reculé devant aucun sacrifice, pas même devant celui de votre propre
vie. Leurs plaintes, leurs soupirs déchiraient votre cœur ; sans cesse à
côté de leur lit de douleur, vous les entouriez des soins
les plus tendres et les plus dévoués, et vous trouviez dans votre cœur
de douces et consolantes paroles pour ranimer leur courage et leur
espérance. Et cependant qu'étaient les souffrances que vous étiez si
empressés, si ingénieux à soulager auprès de celles qu'elles endurent
aujourd'hui ? Hélas ! rien, moins que rien ; et ces douleurs dont il ne
vous est pas même possible de vous former une juste idée, sont sans
soulagement, sans consolation. Ah ! s'il vous était donné d'en être
témoin, quelle ne serait pas votre douleur, de quelle compassion ne
seriez-vous pas saisis et que ne feriez-vous pas pour y mettre un terme.
Dieu vous évite cette douloureuse et terrible vision, mais croyez-le bien, les souffrances de ces âmes que
vous avez si tendrement aimées et qui vous sont encore si chères,
quoique invisibles pour vous, n'en sont pas moins réelles et ne doivent
pas vous inspirer une compassion moins vive que que si vous pouviez les
contempler de vos yeux ; et l'impuissance où sont ces pauvres âmes de se faire entendre de vous et de réclamer le secours
qu'elles ont droit d'attendre de votre affection, ne doit pas être pour
vous une raison de les oublier, mais un nouveau motif pour redoubler de
zèle et de sollicitude pour leur venir en aide.
Ce ne sont pas des larmes, des regrets que ceux que vous avez perdus demandent de vous ; mais des prières,
quelques aumônes, quelques œuvres satisfactoires pour apaiser la
justice de Dieu et acquitter une partie de la dette qu'ils ont
contractée envers elle. Mais, hélas ! à la mort d'un parent, d'un ami,
on se livre à une douleur immodérée, à une douleur qu'on peut appeler
égoïste, parce qu'on se laisse absorber par elle au point de ne penser
qu'à soi, sans songer que celui qui vient d'entrer dans son éternité a
peut-être bien plus besoin de vos prières que de vos larmes. Non pas
qu'il soit défendu de pleurer ceux que la mort ravit à notre tendresse ;
non, sans doute, les larmes, les regrets sont légitimes. Dieu ne les
condamne pas, mais il ne faut pas pleurer comme ceux qui n'ont pas
d'espérance, il faut surtout savoir s'oublier soi-même et faire de la
douleur même qui brise et torture alors le cœur, un sacrifice qui, offert à Dieu avec une entière résignation, suffirait peut-être seul pour ouvrir le ciel à ceux dont la perte voue le reste de votre vie au deuil et à la tristesse. « Nous voyons tous les jours, disait saint Bernard, des morts
pleurer d'autres morts. Ce ne sont que lamentations, transports de
douleur, excès de désolation, mais peu de prières, pas de bonnes œuvres,
pitié stérile et infructueuse. En vérité, ceux qui pleurent ainsi
méritent bien eux-mêmes d'être pleurés.
Le saint Docteur ne condamne pas par ces paroles le tribut
de douleurs et de regrets que nous payons à la mémoire de ceux que nous
aimons ; il ne blâme ni notre deuil, ni notre tristesse, il ne
désapprouve pas davantage les larmes dont nous arrosons la dépouille
mortelle des parents, des amis
que Dieu nous avait prêtés et qu'il vient de rappeler à lui ; mais il
veut nous faire entendre qu'à ses larmes qui ont leur source dans une
tendresse toute naturelle et qui ne soulagent que notre douleur, doivent
se joindre celles de la compassion et de la charité, seul vrai tribut
de l'amour chrétien. De telles larmes surnaturalisent et sanctifient la
douleur, elles sont utiles à ceux dont le souvenir les fait couler, et saint Ambroise les appelle le prix de leur salut, la rançon de leurs péchés.
IIe Point. Non-seulement nous pouvons soulager les âmes du purgatoire, mais nous le devons comme chrétiens ; c'est pour nous un devoir de charité, c'est un devoir de justice quand il s'agit de nos parents ou de nos bienfaiteurs. En effet, la charité chrétienne nous oblige tous à secourir, selon nos moyens, ceux de nos frères que nous voyons dans la peine et dans le besoin. Elle nous fait un devoir de verser notre superflu dans le sein des membres souffrants de Jésus-Christ, de donner à manger au pauvre qui a faim, à noire à celui qui a soif ; de vêtir celui qui est nu, de visiter cet autre qui languit sur un lit de douleur, ou qui au fond d'un cachot pleure sa famille et la perte de sa liberté. Si notre adorable Sauveur nous fait une obligation de toutes ces œuvres de charité, s'il refusera un jour le ciel à ceux qui les auront omises, s'il les repoussera loin de lui avec indignation, en leur disant : « Retirez-vous, maudits, j'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger, j'étais nu et vous ne m'avez pas couvert, malade, prisonnier, et vous ne m'avez pas visité » pouvons-nous croire qu'il ne nous fasse pas également une obligation de la charité envers les morts, et qu'il verrait avec une moindre indignation notre dureté envers des âmes qui lui sont d'autant plus chères que les mérites de sa rédemption n'ont pas été perdus pour elles, qu'elles sont le prix de son sang, et que son divin cœur brûle du désir de sécher leurs larmes et de partager avec elles son éternel héritage.
Notre adorable Sauveur nous a donné lui-même l'exemple de la charité envers les fidèles défunts. En effet, nous lisons dans le saint Évangile que l'âme de Jésus, aussitôt qu'elle fut séparée de son corps, descendit aux enfers, c'est-à-dire dans le lieu où les âmes des justes morts dans le cours des siècles qui avaient précédé son avènement, attendaient qu'il vint leur rouvrir les portes du ciel qui avaient été fermées par le péché
d'Adam. Ce fut comme consolateur, comme libérateur, que Jésus descendit
aux limbes pour consoler tous les saints de l'Ancien Testament, qui soupiraient avec tant d'impatience après la venue du Sauveur d'Israël, et pour mettre un terme à leur longue captivité.
Imitons notre divin modèle en nous efforçant de consoler, par tous les moyens en notre pouvoir, les âmes souffrantes de nos frères décédés. Nous pouvons exercer envers ces saintes âmes toutes les œuvres de miséricorde, ne négligeons-donc pas de le faire.
Elles ont faim, elles ont soif de Dieu ; nous pouvons, par nos prières,
par nos aumônes offertes à Dieu en leur faveur, obtenir que leur faim
soit rassasiée, que leur soif soit étanchée. Par l'offrande du saint sacrifice de la Messe nous pouvons les couvrir comme d'un riche vêtement des mérites de Jésus-Christ. En proie sur leur lit de flammes à des souffrances bien plus cruelles que celles des plus terribles maladies, nous pouvons les consoler, les soulager par des œuvres
satisfactoires offertes à Dieu pour elles. Enfin, prisonnières de la
justice divine, nous pouvons par la charité, par la prière, devenir leur
libérateur, briser leurs chaînes et mettre un terme à leur douloureuse
captivité.
Mais si c'est un devoir de charité de prier en général pour toutes les âmes des fidèles
trépassés, c'est un devoir de justice de prier plus encore pour nos
parents et nos bienfaiteurs. Enfants qui avez perdu votre père, votre
mère, n'oubliez pas que si la mort a rompu les liens naturels qui vous
unissaient à eux, Dieu ne Tous relève pas pour cela de la loi par
laquelle il fait aux enfants un devoir sacré de l'amour et de
l'assistance des parents. Ne soyez donc pas ingrats envers eux, souvenez-vous de tout ce qu'ils ont fait pour vous, de tout ce que vous
leur devez, et soyez empressés et heureux de pouvoir maintenant
acquitter envers eux la dette de reconnaissance que vous leur devez.
Songez
aux peines, aux douleurs que vous avez coûtées à votre mère, aux soins
si tendres, si empressés dont elle a entouré votre débile enfance, aux
larmes dont elle a tant de fois arrosé votre berceau ; que les vôtres
coulent maintenant pour elle devant le Seigneur
; qu'elles fléchissent sa justice, et que votre amour filial, plus fort
que la mort s'élance au delà de la tombe pour consoler et secourir
cette mère qui fut pour vous si tendre et si dévouée.
Vous
qui jouissez d'une brillante fortune, ou d'une honnête aisance,
souvenez-vous que vous la devez aux longs labeurs, à la prévoyante
tendresse de ce bon père qui, pour vous assurer un avenir tranquille,
s'est condamné à une vie de travail, de fatigues et peut-être de
privations. Pour vous il s'est oublié, il a fait abnégation de lui-même ;
les biens dont vous jouissez sont le fruit de ses veilles, de ses sueurs, de ses sacrifices. Et maintenant qu'il est dénué de tout, qu'il est souffrant, exilé du ciel sa patrie, serez-vous ingrat envers lui ? Refuserez-vous de lui faire une faible part des biens qu'il vous a si péniblement acquis en la versant en son nom dans le sein des membres souffrants de Jésus-Christ, afin que la voix de leurs prières, toute-puissante sur le cœur de Dieu , plaide sa cause et lui offre vos aumônes pour sa rançon.
Songez encore que si vous avez eu le bonheur de recevoir une éducation chrétienne, des principes de foi et de piété qui sont le fondement
et la garantie de votre bonheur à venir, c'est à vos parents que vous
êtes, après Dieu, redevables de cet inestimable bienfait. N'est-ce pas
sur les genoux de votre mère que s'est élevé vers le ciel le premier acte d'amour que son cœur dictait au vôtre pour le Dieu
qu'elle s'efforçait de vous faire connaître et aimer ? N'est-ce pas sa
main maternelle qui prenant votre main si débile, si faible encore, la
conduisait pour former sur vous pour la première fois le signe
sacré de la croix ? N'est-ce pas elle, enfin, qui vous apprit encore à
bégayer, pour la première fois, les noms de Jésus et de Marie ?
Souvenez-vous de la sollicitude de cette mère si pieuse pour vous aider à
conserver le trésor précieux de votre innocence, pour vous préserver des dangers
sans nombre qui menaçaient votre inexpérience et votre faible vertu.
N'oubliez pas, enfin, les sages conseils de votre père, les exemples de
foi et de piété que vous en avez reçus, et puisqu'ils ont pris tant de
soins et de peines pour assurer votre bonheur éternel, pourriez-vous
n'avoir aucun souci, ne vous donner aucune peine pour assurer le leur et hâter le moment où ils recevront la récompense de ce qu'ils ont fait pour vous.
Enfin, pensez encore que ces âmes,
qui doivent vous être si chères, souffrent peut-être à cause de vous,
peut-être pour vous avoir trop aimé, pour avoir été trop indulgents pour
vous, pour avoir sacrifié leurs intérêts spirituels à vos intérêts
temporels. N'est-ce donc pas un devoir, et un devoir de stricte justice,
de les aider à obtenir le pardon de ces fautes, qui ont été commises par un excès d'amour pour vous, et si vous négligiez de le remplir,
croyez que Dieu ne verrait pas sans indignation votre indifférence et
votre ingratitude, et qu'il saurait aussi vous les faire expier un jour.
PRIÈRE.
Vous le savez,
ô mon Dieu, il n'est pas éteint dans mon cœur l'amour si profond et si
tendre que vous m'aviez donné pour les auteurs de mes jours ; leur
souvenir est toujours vivant, et ce cœur n'a pas perdu la mémoire de
leurs bienfaits. La perte de ces êtres chéris , vous le savez , ô mon Dieu, a fait à mon âme une plaie profonde, douloureuse, et que le temps
n'a pu guérir. Elle a voué ma vie au deuil et aux regrets. Mes larmes
ne peuvent pas ranimer la poussière de ceux que j'ai aimés, pas plus que
mes regrets ne peuvent les rendre à mon amour ; mais soumis et résigné à
votre volonté , qui a voulu cette séparation, les pleurs que je verse à
vos pieds peuvent devenir le prix de
leur rançon. Acceptez-les, Seigneur, comme un sacrifice d'agréable
odeur, comme un gage de mon entière soumission à votre adorable volonté.
Daignez, ô Marie, ma tendre mère, mêler à mes larmes une de celles que
vous avez versées au pied de la croix de votre divin Fils, et obtenez
qu'elles descendent comme une rosée rafraîchissante sur ces âmes qui
me sont si chères et que je confie avec une entière confiance à la
sollicitude de votre cœur maternel. Ayez-en pitié, ô Marie, priez pour
elles, et qu'elles vous doivent bientôt la fin de leurs peines et
l'entrée du ciel. Ainsi soit-il.
EXEMPLE.
I.
Gerson, chancelier de l'Université de Paris, aussi illustre par ses
vertus que par son éloquence, rapporte dans un de ses ouvrages (Quecrela
defunctorum) qu'une pauvre mère, oubliée depuis longtemps par son
enfant, reçut de Dieu la permission de lui apparaître pour en
solliciter des prières : « Mon fils, »
lui dit-elle, mon cher fils ; ah ! pensez un peu à votre mère qui
souffre, considérez les supplices au milieu desquels la justice de Dieu
me fait expier les fautes de ma vie mortelle ; considerez ce feu
terrible dont les flammes dévorent votre pauvre mère. S'il est vrai que
vous m'aimiez, hâtez-vous de venir à mon secours ; à mon lit de mort,
vous me témoigniez tant de reconnaissance, tant d'affection ; vous me
faisiez de si belles promesses ! Comment cet amour s'est-il si vite
éteint ? Ai-je cessé d'être votre mère ? Avez vous cessé d'être mon fils
? Comment donc consentez-vous à me laisser languir dans cet étang de
feu ? Entendez mes gémissements, compatissez aux douleurs de votre mère
; du fond de ma prison ardente, je vous
en conjure, mon fils, ayez pitié de moi. Si vous ne pensez point à me
soulager à qui pourrais-je recourir ? »
II. On lit dans la vie de sainte Elisabeth, fille du roi
de Hongrie, qu'elle avait une grande dévotion pour les morts. Elle ne
se lassait pas de donner de l'argent pour faire enterrer honorablement
les pauvres, les ensevelissait de ses mains pures, les accompagnait
jusqu'à la tombe et priait pour eux.
Mais son zèle redoublait lorsqu'il s'agissait des personnes de sa propre famille. Lorsque sa mère, Gertrude, reine de Hongrie, mourut, elle joignit des mortifications quotidiennes, des aumônes abondantes à ses prières.
Malgré cela , sa mère lui apparut, vêtue de deuil, le visage
triste, abattu, suppliant. Elle se mit à genoux devant elle, lui disant
: « Ma fille, vous avez à vos pieds votre mère accablée de douleur ; je
viens vous conjurer de ne point vous lasser d'implorer pour moi la
clémence de Dieu, j'endure des tourments épouvantables ; au nom des angoisses, des fatigues, des soins que votre enfance et votre éducation m'ont coûtés, retirez-moi des supplices. »
Sainte Élisabeth, émue, attendrie, tout hors d'elle-même, recommence à
pleurer, à s'humilier, à se mortifier. Au souvenir de l'image de sa mère
qui souffre et qui l'appelle, elle ne voulait plus se donner de repos ;
elle chassait le sommeil, elle
n'interrompait plus ses oraisons et ses macérations, lorsqu'enfin sa
mère revint à elle une seconde fois, mais alors rayonnante, joyeuse,
revêtue d'habits somptueux et blancs, la bénissant, la remerciant de lui
avoir ouvert les portes du paradis.
(Les saintes Âmes du Purg. connues, aimées et soulagées, par un religieux de N.-D. de la Trappe.)
PRATIQUE.
Se soumettre à la volonté de Dieu à la mort des personnes
qui vous sont chères ; modérer votre douleur, pour vous efforcer d'être
utile à ceux que vous aimez par vos prières et votre résignation.
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