Le mois des âmes du purgatoire : 12 novembre
XIIe JOUR
Votifs qui doivent nous engager à secourir les âmes du purgatoire.
Premier motif : la gloire de Dieu.
Le zèle de votre maison me dévore.
1er Point. Après avoir jusqu'à présent considéré la nature, la rigueur, la durée des souffrances du purgatoire, après avoir vu quelles étaient les âmes qui les enduraient, après avoir pour ainsi dire entendu leurs voix suppliantes nous demander de les secourir, nous allons, dans les chapitres suivants, parcourir quelques-uns des principaux motifs qui doivent nous engager à le faire, et nous verrons ensuite quels sont les moyens que Dieu, dans son infinie miséricorde, nous a donnés pour atteindre ce but.
Le premier motif qui doit nous engager à hâter par tous les moyens en notre pouvoir la délivrance des saintes âmes du purgatoire est la gloire qui en reviendra à Dieu. Une âme qui aime véritablement le Seigneur ne saurait être indifférente à ce qui peut lui plaire et le glorifier. Elle oublie ses propres intérêts pour ne songer qu'à la gloire et au bon plaisir de celui qu'elle aime. Le règne de Dieu dans toutes les âmes, sa volonté en toutes choses, son honneur et sa gloire avant tout : voilà le but que se propose l'âme dont l'amour pour Dieu est réel ; voilà le motif
qui seul règle ses pensées, ses désirs, ses paroles et ses actions. La
devise de saint Ignace est la sienne : Tout à la plus grande gloire de
Dieu.
Cette âme ne se trouve pas seulement honorée, mais elle est heureuse de se sentir chargée des intérêts de Dieu et de pouvoir le glorifier,
non pas, il est vrai, de cette gloire essentielle que Dieu trouve en
lui-même dans son essence, dans sa connaissance, dans la jouissance de
ses perfections infinies et de ses divins attributs, gloire qu'aucune
créature ne peut lui ravir ni augmenter, mais de cette gloire extérieure
et secondaire qu'il retire des louanges, des actions de grâces et surtout des vertus et de l'amour de ses créatures.
Or
plus une âme est fidèle, plus elle se rapproche de Dieu par la
sainteté, par la pureté de ses intentions, par la ferveur et la
perfection avec laquelle elle fait ses moindres actions, plus aussi elle
glorifie Dieu et lui est agréable. Elle ne le glorifie pas seulement par les adorations et les actions de grâces qu'elle lui offre sans cesse dans le secret de son cœur, mais elle le glorifie aussi aux yeux des créatures par l'exemple de ses vertus et de la fidélité avec laquelle elle observe sa loi.
Mais la gloire que l'homme peut rendre à Dieu sur la terre n'approche pas de celle que les élus lui rendent dans le ciel. Purs de toutes fautes, exempts des moindres
souillures, confirmés en grâces, et pour jamais à l'abri de
l'inconstance et de la faiblesse de la nature humaine, auxquels ils ont
été sujets comme nous ; les saints ont avec Dieu une ressemblance qui ne
peut pas se comparer à celle que nous pouvons avoir ici-bas. Unis à lui par
l'union béatifique, vivant de sa vie, aimant de son amour, leur esprit,
leur volonté, leur cœur, tout est perdu, absorbé en Dieu, et ils se
sentent dans l'heureuse impuissance de s'occuper d'autre chose que de
lui, de vouloir autre chose que ce qu'il veut, d'aimer d'autres objets
que lui, et par cette divine transformation en l'objet de leur amour,
nos frères du ciel deviennent plus aptes à
glorifier Dieu ; leurs louanges, leurs adorations, et les cantiques
d'actions de grâces, de joie et d'amour, dont ils font sans cesse
retentir les voûtes de la sainte Sion, proclament et proclameront
éternellement les grandeurs, la puissance et l'infinie miséricorde de
celui par qui ils ont vaincu le monde, le démon, triomphé d'eux-mêmes et des penchants d'une nature corrompue., de celui enfin qui, couronnant leurs vertus, couronne ses propres dons.
Il
nous est aisé de comprendre, d'après ce que nous venons de dire, que
plus il y a d'élus au ciel, plus Dieu est glorifié, plus il a de
véritables adorateurs, et que l'éternel concert de louanges des anges et des saints
en son honneur est d'autant plus digne de lui, qu'un plus grand nombre
de voix s'y unissent et viennent augmenter les suaves et célestes
harmonies. D'où nous devons conclure qu'en avançant la délivrance des saintes âmes du purgatoire, en leur ouvrant les portes du ciel, nous procurons réellement la gloire de Dieu.
Les âmes du purgatoire sont
saintes ; mais nous l'avons dit, la nuit où l'on ne peut plus agir est
descendue sur elles, et enveloppées de ses ombres épaisses, elles sont
désormais dans l'impuissance de glorifier Dieu par leurs œuvres, elles
ne peuvent plus le glorifier
que par leur amour et leur entière soumission à son adorable volonté ;
mais cette gloire est bien moins parfaite que celle qu'elles sont
destinées à lui rendre dans le ciel, et c'est là surtout ce qui fait désirer avec tant d'ardeur à ces saintes captives le moment de leur délivrance.
IIe Point. Ce moment, il est vrai, arrivera infailliblement pour elles ; quelque longue que soit leur expiation elle aura un terme, et le jour viendra où rien ne s'opposant plus à leur éternelle union avec Dieu, elles verront s'ouvrir devant elles les portes de leur triste prison ; mais si nous aimons Dieu, si nous désirons le glorifier et le voir glorifié par toutes ses créatures, quel bonheur, quelle consolation pour nous de penser que nous pouvons, en hâtant le moment de leur délivrance, envoyer au ciel des âmes qui, pendant des jours, des mois, des années peut-être, le glorifieront en quelque sorte, en notre nom, en faisant dans cet heureux séjour d'une manière parfaite ce que nous ne pouvons faire ici-bas que d'une manière si imparfaite.
Et quand par nos prières, par nos bonnes œuvres, nous n'avancerions que d'une année, que d'un mois, que d'un jour, et même que d'une heure le bonheur d'une de ces saintes âmes, quelle joie pour nous de penser que pendant cette année, ce mois,
ce jour, cette heure, Dieu recevra par cette âme plus de gloire que
nous ne lui en aurons peut-être procuré pendant notre vie tout entière.
Que sera-ce donc si nous avançons le bonheur de ces âmes si
chères au Seigneur, non pas d'une année, mais d'un siècle et peut-être
plus, si par notre charité, notre dévouement, nous devenons vraiment les
libérateurs de ces saintes captives ? Ah ! comprenons-le bien, en leur ouvrant le ciel, nous donnons à Dieu des voix pour le louer, pour le bénir, nous lui donnons des âmes qui vont se consumer au pied du trône de son éternité dans les ardeurs d'un amour si pur, si parfait et si grand, qu'il ne nous est pas même donné de le comprendre dans le lieu de notre exil.
Parmi les âmes du purgatoire, il y en a de si riches en vertus et en mérites, que leur place dans le ciel est marquée parmi le chœur bridant des Séraphins,
et quand elles occuperont ces places, une seule d'entre elles rendra
plus de gloire à Dieu que ne lui en rendront plusieurs élus réunis dont
les vertus ont été moins parfaites et les mérites moins grands. Quel
honneur pour nous, quelle ravissante pensée que celle qui nous fait
espérer de pouvoir donner au ciel un Séraphin de plus, ne fût-ce qu'un
jour, qu'une heure plus tôt. Nous n'avons pas, il est vrai, la
jouissance de connaître pendant notre vie le résultat
de nos prières ; mais qu'importe, puisque c'est la gloire de Dieu
seulement que nous devons chercher, et non pas notre satisfaction
personnelle ; et puis Dieu n'oublie rien ; un jour il nous fera
connaître ce qu'il nous cache aujourd'hui, et en nous le faisant connaître il nous accordera la récompense de notre charité.
Si, comme le dit Bossuet, Dieu met sa gloire à nous combler de ses dons, il est glorifié en accordant aux saintes âmes du purgatoire le plus grand de tous, l'éternelle possession de lui-même. Aimer Dieu, le posséder, jouir de lui éternellement, tel a été le but de notre création, et le Seigneur dans son infinie charité veut que tous les hommes sortis de ses
mains retournent à lui pour partager sa gloire et sa félicité en vivant
de sa vie, qui est l'amour. Un bien grand nombre, hélas ! ne
correspondent pas à ses miséricordieux desseins et manquent le but qu'il s'est proposé en les créant ; mais les âmes du purgatoire ont atteint ce but, elles sont élues, et en leur facilitant l'entrée du ciel nous coopérons à l'achèvement de leur élection, à la grande œuvre de la gloire de Dieu.
Dieu
se plaît surtout à nous manifester son amour et sa miséricorde ; les
prodiges de grâces dont il sème les voies de l'homme proclament la
tendresse et la bonté de son cœur. Lorsqu'il pardonne au pécheur, il se
glorifie lui-même, car il rend la vie à une âme qui l'avait perdue par le péché ; de chacune de ces âmes qu'il ressuscite ainsi à la vie de la grâce, il se tresse une couronne, dit un pieux auteur ; elles sont comme Jérusalem, image du juste, autant de perles ajoutées à son sceptre.
Lors donc que par nos prières et nos œuvres satisfactoires nous ménageons à Dieu les éléments du pardon en faveur des âmes du purgatoire, nous lui donnons l'occasion de faire éclater les attributs qui sont sa gloire, d'abolir jusqu'aux derniers vestiges du péché, qui lui ravit les âmes, et d'établir sur des créatures qu'il chérit son règne éternel. Vis-à-vis de ces saintes âmes Dieu se trouve dans une sorte de contrainte, car il ne se plaît pas, dit le Sage, au malheur de ses créatures ; mais sa justice a des lois qu'il ne peut enfreindre, car il est l'ordre parfait. Ainsi, tandis que son amour attire ces saintes âmes, sa justice les repousse. Celui qui, en satisfaisant pour elles contente la justice divine, donne en quelque sorte à Dieu le pouvoir de contenter son amour.
En
exerçant sa miséricorde Dieu se glorifie bien davantage qu'en exerçant
sa justice, parce que, en nous châtiant, il nous laisse ce que nous
sommes, enfants de colère, pécheurs, débiteurs souillés et insolvables.
Au contraire, lorsqu'il nous pardonne et qu'il daigne nous réconcilier
avec lui, il nous rend ses enfants, ses amis, les cohéritiers de son
divin Fils, les citoyens du ciel ; c'est à ce bonheur que les saintes âmes du purgatoire aspirent,
et c'est aussi ce que nous devons nous efforcer de leur procurer, si
nous avons à cœur les intérêts de la gloire de Dieu.
Souvenons-nous qu'en hâtant par nos prières la délivrance de ces âmes souffrantes, non-seulement nous glorifions Dieu, mais nous réjouissons le ciel
tout entier. L'entrée d'un nouvel élu dans cette belle patrie est une
fête de famille pour tous ses heureux habitants ; chacun d'eux
l'accueille et le félicite avec une joie
fraternelle. Les anges prennent part à l'allégresse universelle, ils
entounent de nouvelles hymnes à la gloire de l'Agneau divin dont le sang a réconcilié le ciel avec la terre et dont la grâce victorieuse de la faiblesse humaine élève les fils d'Adam sur les trônes des anges déchus. Marie voit avec bonheur s'augmenter le nombre des élus, elle reconnaît dans chacun d'eux le prix du sang
de son divin Fils et de ses douleurs au pied de la croix, et son cœur
maternel tressaille d'une sainte allégresse en s'unissant à Jésus pour
poser sur leurs fronts la couronne de gloire et d'immortalité promise
aux vainqueurs.
PRIÈRE.
Dieu de bonté, vous dont l'amour est infini, glorifiez-vous, nous vous en supplions, en exerçant envers les saintes âmes du purgatoire votre miséricorde, le plus beau comme le plus doux de vos attributs. Écoutez, Seigneur, les supplications que votre Église ne cesse de vous adresser en faveur de ces âmes souffrantes ; permettez que nous y joignions nos humbles prières, nos œuvres satisfactoires, et que, malgré l'immensité des dettes que nous avons nous-mêmes contractées envers votre justice, nous vous offrions le peu
que nous pouvons faire pour l'acquit de celles de nos frères. Oubliez,
Seigneur les droits de votre justice pour ne vous souvenir que de ceux
de votre miséricorde ; exercez-la dans toute son étendue sur ces âmes qui
vous sont si chères, et puisque vous ne les frappez qu'à regret,
laissez-vous fléchir, donnez un libre cours à votre amour, ouvrez-leur
votre sein paternel, et permettez-leur d'aller enfin vous glorifier
dans le ciel par leurs actions de grâces et leurs éternelles louanges. Ainsi soit-il.
EXEMPLE.
Le nom du Père
Jean-Eusèbe Nieremberg (1) est fort connu par les ouvrages de piété
qu'il a publiés. On ne sait pas aussi bien peut-être à quel point il
portait la dévotion aux âmes du purgatoire.
(1) Ce père de la société de.Jésus était espagnol et vécut de 1590 à 1668. (Trad.)
«
Il y avait à la cour de Madrid, parmi ses pénitentes, une dame noble
que sa direction sage et expérimentée avait conduite à une haute
perfection au milieu du monde. Cette dame, d'une faible complexion, tomba dangereusement malade. Avertie du péril, elle en témoigna un profond chagrin, non seulement à cause des œuvres utiles qu'elle avait entreprises et qu'il fallait abandonner, mais aussi par la crainte du purgatoire, où elle prévoyait être retenue par la justice divine. Le Père
Eusèbe employa toutes les industries de sa charité pour lui inspirer de
la confiance et de la soumission à la volonté de Dieu, et voulait lui
administrer les derniers sacrements pour la fortifier dans ses combats ;
mais elle différait de jour en jour, jusqu'à ce qu'elle tomba dans une
sorte de léthargie et privée de connaissance. Alarmé à la pensée qu'une
personne qui avait donné de si saints exemples peut expirer sans avoir
reçu en pleine liberté d'esprit les secours de l'Église, le confesseur se retira dans une chapelle voisine. Il y offrit le saint sacrifice avec une grande ferveur, conjurant le Seigneur
d'accorder à la malade la grâce de se reconnaître et de recevoir les
sacrements ; il s'offrit à la justice divine pour souffrir lui-même dans
cette vie les tourments qui lui étaient réservés en purgatoire, afin
que, délivrée de cette appréhension, elle se résignât plus facilement à
mourir. Dieu exauça une si charitable prière : La Messe était à peine
achevée que la mourante reprit connaissance, demanda elle-même les
sacrements et les reçut avec la plus édifiante ferveur ; en entendant le Père Eusèbe l'assurer qu'elle ne devait plus craindre le purgatoire, elle se soumit à la mort, et expira dans la plus parfaite tranquillité. 0n vit bien que la prière du bon
religieux avait été doublement exaucée ; car à partir de cet instant,
et pendant seize ans qu'il vécut encore, son existence ne fut plus qu'un
long et rigoureux martyre ; aucun remède ne pouvait soulager ses
douleurs, et il n'avait d'autre adoucissement que le souvenir de la généreuse cause pour laquelle il les endurait. » (Les Merveilles divines dans les âmes du purgatoire, par le II. P. Rossignoli, de la compagnie de Jésus.)
PRATIQUE
0ffrir aujourd'hui quelques mortifications en faveur des âmes du purgatoire, dans l'intention de glorifier Dieu en hâtant leur délivrance.
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